Mardi 13/1/2009 - Franck Lestringant
Témoigner au siècle des réformes : le témoin et le martyr
Dès l’attaque de l’exposé, il y a eu Corydon
et l’éloge de la pédérastie. Épopée d’un transfert où on se retrouve à
souhaiter des martyrs à la cause homosexuelle avec un André Gide tuant en lui
« le vieil homme » (le protestant) pour faire naître (ressusciter)
l’hédoniste, l’homme nouveau, en ayant enjambé l’évangélisation colonisatrice
(Elie Allégret – 1889 – en mission au Gabon), Tertullien (vers 150 – vers 220) (Sanguis
martyrum semen christianorum / Le sang des martyrs est la semence des
chrétiens) et l’Évangile de Jean (12-24 : En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain qui est tombé en
terre ne meurt, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de
fruit ; puis 12-25 : Celui
qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera
pour la vie éternelle).
Franck Lestringant est déjà au galop, lancé par l’éloge de
Compagnon qui l’a annoncé bardé de compétences, de centres d’intérêt, de
travaux et de recherches, sautant sans hésiter et avec érudition de la
Renaissance et de la colonisation française (aux Amériques et au XVI° siècle) à
la littérature du XIX° (grand connaisseur de Musset), puis du XX° (biographie
de Gide en chantier) … On galope, on galope, sommes-nous donc si pressés ?
Mais pas le temps de commenter, il faut le rattraper, il est
déjà plus loin…
On évoquait donc Elie
Allégret, oui, qui fut le précepteur de Gide, ainsi aussi que le père de Marc (né
en 1900 et qui allait se retrouver plus
tard l’élève-ami-amant de l’écrivain), Elie Allégret qui lui disait (qui disait
à Gide), depuis Lambaréné et les bords du fleuve Ogooué, en attendant Albert
Schweitzer, ses espoirs de transformer en hommes et de conduire à Dieu les
populations locales, qui disait ses difficultés aussi et sa
soumission s’il le fallait au sacrifice de sa vie pour l’éclosion de ces âmes …
Une rapide incidente avait fait un clin d’œil au cours de
l’heure précédente en signalant que Maurice Blanchot – qui n’avait donc
semble-t-il pas la vocation du martyre – avait peut-être bien épargné dans ses
critiques le Journal de Gide parce
qu’ils avaient le même éditeur et que Gide faisant office de pape de la pensée …
Dans la liste des victimes
expiatoires de la cause qui ne se disait pas encore « gay » du début
de Corydon (Wilde, and so on …), on
voit certes des morts, mais non pas des martyrs, faute d’avoir assumé et
« porté témoignage », tant « ce n’est pas la peine qui fait le martyr, mais la cause* (et
qu’il convient de proclamer) » : Wilde niant tout, s’enfonçant et y
rajoutant depuis sa prison des déplorations à Alfred Douglas… Et si Gide,
nourri de tradition protestante, d’humanisme XVI° siècle, de Réforme et de
Bible souhaite à sa cause des martyrs, c’est que la tradition chrétienne est
constante. « *Martyres discernit
causa, non pœna » est dans Saint Augustin. Et quand Saint Thomas
d’Aquin commente une phrase de l’Épitre aux Éphésiens, « Ego Paulus vinctus Christi pro vobis gentibus »,
il énonce : « Ce n’est pas le
châtiment qui fait le martyr (ce qui est l’enseignement de Saint Augustin),
mais la cause et voilà pourquoi Paul ajoute la cause de ses tribulations (…) [certes]
il
souffre [il est emprisonné : vinctus],
mais pour la foi du Christ (Christi) et
pour l’utilité de l’Église (pro vobis
gentibus [pour faire des convertis]) ». Alors oui, Gide ne veut pas de
ceux qui avancent masqués, il en espère « qui iraient au devant de
l’attaque », dans un vieux réflexe huguenot, dit Franck Lestringant, du
temps des persécutions, à ceci près que la cause a changé. Mais enfin il y
aurait là, pour Gide écrivant Corydon
et au bénéfice d’une petite communauté qui souffre, pour Gide qui dit le
croire, un « petit livre [apte
à] sauver du désespoir maints
éperdus ».
Qu’il s’agisse d’aider chacun à
s’affranchir des dogmes pour fonder sa propre morale, pourquoi pas. Mais qu’il
s’agisse de se voir en Christ mourant pour racheter l’humanité dans une
entreprise de moraliste où l’écrivain donne sa vie pour assurer celle de ses
lecteurs … pose les termes d’un transfert à l’invraisemblable mégalomanie
duquel F. Lestringant – même en moquant
un peu le risque du bûcher ou de la prison, dont l’inexistence aurait pu « décevoir »
Gide, que personne n’a « poursuivi » – ne semble pas outre mesure sensible.
Ce départ en fanfare (avec
Gide en chevalier de « l’amour
grec ») de l’exposé m’a paru un peu
curieux. Enfin, F. Lestringant est dans une biographie du susdit, on en a eu
l’information, que j’ai répercutée, et ceci explique sans doute cela.
On recule de quatre siècles et
nous voilà dans la Réforme et d’Aubigné,
les Tragiques etc. Corydon avait
sa liste d’homosexuels honteux, Le livre IV des Tragiques, « Les Feux », a sa longue liste de martyrs glorieux, parmi lesquels
cette Marie, ensevelie vivante (« Je
veux tirer à part la constante Marie ») et fière et rieuse en son
cercueil d’incarner la parole de Jean 12-24 en partant sous terre donner du
fruit, ce qui malgré tout semble à F.Lestringant un peu biaisé, même si l’anecdote avérée ne nie pas la
force d’âme ironique de la suppliciée, qui se serait amusée, notant la forme de
sa dernière demeure terrestre, de finir « en pâté en croûte » ! Montaigne
est plein – c’est moi qui ajoute ; cf. p.ex. Livre I, Chap. XIV – de ces
forts caractères partis au supplice – mais dans une perspective (parfois
involontairement) stoïcienne – la plaisanterie à la bouche : « … un [certain] ayant demandé à boire et le bourreau ayant beu le premier, dict ne
vouloir boire après luy, de peur de prendre la verolle ».
Sur la version de d’Aubigné, F.Lestringant souligne cette
structure « ironique » assez usuelle du martyre, apparence d’horreur
dans la souffrance physique et montée en
gloire. On est dans la logique, dit-il, des Évangiles, avec le rapprochement de
la mort « ignominieuse » du Christ » et de sa
« magnifique » résurrection. Il parle de « poésie du
martyre », de « perte triomphante » et, pour les témoins
oculaires, « d’oxymore visuel ».
Intervient dans l’exposé une assez
courte incidente ( judicieuse ? pertinente ? opportune?) où Ovide, écrivant les Tristes depuis son exil de Tomes où l’a envoyé Auguste (vers l’an
8, et on se demande encore exactement pourquoi …) rejoint d’Aubigné en son exil de Genève (suite à la publication de son Histoire Universelle de 1550 jusqu’à 1601,
ouvrage de fait consacré au Parti de la Réforme) pour incarner ensemble
« le topos de l’auteur-père et du livre-enfant », jusqu’au parricide
dit F.Lestringant, mais où le livre, en le tuant, assure à l’auteur … sa
survie.
Quoi qu’il en soit, cette Histoire Universelle de d’Aubigné se réinsère dans le cours de
l’exposé et voici F.Lestringant parti pour une longue période qu’ouvre le mot
« Martyrologe » (catalogue
de martyrs ; liste des victimes d’une cause) et qui veut associer,
distinguer, comparer ou confondre selon le contexte, l’époque, les
circonstances et les points de vue, l’Historien
et le Témoin. En commençant par citer
François Hartog (directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
(Paris), chaire d’Histoire antique et moderne) qui les distingue, et après
avoir évoqué Hérodote qui les
hypostasie (c’est moi qui le dis, c’est un peu idiot et c’est un plaisir de
cuistre, pas même parfaitement adéquat ; mis ici pour : qui les
incarne (rassemblés)) tant « l’autopsie »
antique (le « vu par soi-même » puisque « l’œil qui voit »)
fonde alors seule l’autorité du discours .
L’Historien, dit F.Lestringant,
écoute dans un conflit les deux « partis », ajoute la dimension du
passé au présent et prépare l’avenir. Le Témoin, qui est ici le martyr, n’est
témoin que d’une vérité. Le débat est très présent au XVI° siècle, surtout chez
les protestants.
Sont appelés à en rendre
compte (on est dans les années 1550-1600):
Le Martyrologe de Jean Crespin,
que continuera Simon Goulart
Théodore de Bèze et
son Histoire ecclésiastique des Eglises
Réformées du Royaume de France
Un Martyrologe, en son principe, compile des documents,
seulement des documents, bruts, sans glose et sans parasitage. Il y a là la
nostalgie d’une religion triomphant sans phrases par la seule force de ses
martyrs, que l’on liste. Les protestants volent les procès-verbaux des
tribunaux pour les publier, sans les commenter (« ils parlent
d’eux-mêmes »), dans l’idéal d’une collection d’archives et les
difficultés de sa constitution car il est fréquent que les textes du procès
soient brûlés avec le condamné.
Une Histoire (des martyrs,
néanmoins) c’est au départ le rassemblement d’une communauté de témoignages.
Mais tout cela va évoluer dans le temps.
L’Histoire va progressivement renoncer à
l’objectivité, elle va se mettre au service d’un combat et l’ataraxie
stoïcienne de l’Ars historica se
dissoudre tandis que l’historien choisit
le service de la « vraie
religion ». Il s’appuie sur des documents indiscutables, certes, mais
il les a d’abord triés. Il y a d’ailleurs déplacement du vocabulaire car on
rencontre des Histoires des martyrs, puis des Livres des martyrs, puis des
Actes des martyrs (comme il y a des Actes des apôtres).
Et du coup, on se retrouve au
point même d’arrivée auquel est parvenu de son côté le martyrologe, dans lequel
le caractère brut des documents a fini
par se dissimuler sous le récit, avec une liste énumérative qui a disparu et où la narration domine. Ces glissements
correspondent aussi à l’évolution de l’époque, il n’y a peu à peu plus de martyrs mais des combattants, ou
des victimes de massacres de masse (Saint-Barthélémy), on ne peut plus faire
les distinctions nominatives, il faut en appeler à un narrateur
intermédiaire qui, parce qu’ils ne sont
plus individualisables, a affaire soudain « seulement » à des morts
(d’Aubigné dans son Histoire Universelle).
Il parle certes encore de martyrs, mais enfin le réel a abouti à un
« livre ».
Puis on est au Brésil. Le voyage m’a semblé bien court
depuis d’Aubigné à Genève. Mais enfin… Il faut dire que le texte de Jean de
Léry, dont on va parler (déjà signalé par Compagnon la semaine précédente), et
bien, c’est à Genève qu’en 1578 il a été publié. Donc ?
C’est un récit de voyage (Histoire d’un voyage fait en la
terre du Brésil) à l’intersection, pour F.Lestringant, de l’Histoire et du
Martyrologe. Le « bréviaire de l’ethnologie », dit-il, pour
Levi-Strauss. Fragments de vie certes, et parfois des plus brefs, sans globalité apparente, mais pourquoi pas
en synecdoque (cette fois c’est Lestringant qui pédantise : la synecdoque
est une variété de métonymie
(transport de sens par mise en relation) qui consiste à assimiler la partie et
le tout : le toit et la maison, le gouvernement et la France … et donc
ici, oui, pourquoi pas, le particularisme et la généralité). On reparle
d’Hérodote et de son « autopsie », où voyager est une « histoire d’œil ». Jean de
Léry a vu, est riche d’avoir vu et sa devise est telle : « Plus voir
qu’avoir ». Bien sûr, une autopsie peut chasser l’autre, un témoignage
infirmer et révoquer en doute le témoignage antérieur. Léry peut être ou pas d’accord avec Thévet
etc (cf. C.R. Séminaire 1 – On a déjà un peu parcouru ça avec Antoine
Compagnon). Pour fonder une authenticité, Léry va donc chercher des garants
extérieurs, se référer à un arquebusier et divers autres voyageurs qui passaient par là ( ?), cherchant à
créér une solidarité des preuves. Et le récit autoptique de départ va se
transformer en convergence de récits … comme a évolué le martyrologe (tiens, on
est donc toujours à les comparer…) où il y a eu « phagocytation »
(Ah ? pourquoi pas « phagocytage » ?) de matériaux
hétérogènes avec émergence d’un commentateur omniprésent qui fait « voix
off » synthétisante et enfle son
propre texte à mesure qu’il recueille de nouveaux témoignages.
On en était là quand soudain, l’attelage de Lestringant s’emballe, ses malles emplies de
documents s’ouvrent et se répandent sur le plancher, et l’on se retrouve devant
un vrac d’indications en feuillets dont il sait sans doute les liens logiques
et qui s’ancrent dans les travaux de Léry, mais qu’il a ramassés dans l’urgence
et nous a jetés par la portière de la
voiture, qu’il ne reste alors plus qu’à noter dans l’ordre peut-être aléatoire
de leur arrivée, éparpillés qu’ils sont par le vent de sa course :
Voilà Villegaignon (cf. C.R. Séminaire n°1) qui avait Jean
de Léry dans ses bagages et puis aussi trois autres huguenots qu’il appréciait
modérément, au point qu’il était bien déterminé à ne pas les rapatrier vivants.
Ce qui va faire trois martyrs pour la prose de Jean de Léry, qui note tous les
incidents en « encre du Brésil »,
une teinture brune tirée du bois de l’arbre qui aurait donné son nom au pays (et
que les portugais appellent Pau-Brazil, ce qui n’est pas le nom fourni par
F.Lestringant, mais que j’ai pu mal entendre ; avec cette précision
supplémentaire que ce bois semble être plus connu sous l’appellation de
« bois de Pernambouc »). Cette teinte brune, qu’on dira donc rouge,
est d’ailleurs si l’on veut une chance car elle permet l’analogie avec le sang des martyrs dont elle écrit l’histoire… Mais Lery a une
autre chance, car lors du voyage retour, non seulement les trois martyrs
désignés mais quelques autres participants, dont Léry, veulent quitter
Villegaignon et s’embarquer sur une chaloupe. Et puis Léry hésite. Et puis Léry
remonte à bord. Bien lui en prend car ainsi il se sauve. Et Lestringant nous le
narre qui se découvre marqué par le complexe de Jonas (le disparu par ingestion baleinière ressuscité), et qui entonne
en hymne d’action de grâce le cantique d’Anne stérile et qui a conçu Samuel [
Premier livre de Samuel – « Elcana
connut Anne, sa femme, et Yahweh se souvint d'elle [Elle l’avait imploré
sur sa stérilité] . Après le temps
révolu, Anne ayant conçu, enfanta un fils, qu'elle nomma Samuel, «car,
dit-elle, je l'ai demandé à Yahweh.» »] …
Certes me direz-vous, mais quid des cannibales de
Sancerre ?
Léry nous avait gardé pour la bonne bouche (si j’ose dire
…) cet incident dans un autre de ses
écrits, son Histoire mémorable de la
ville de Sancerre, où il figure en date de 1573, quand la ville fut
assiégée et réduite à la famine (elle avait eu la mauvaise idée d’embrasser le
calvinisme en 1534 ce qui lui valut quelques déboires pendant quelques
décennies avec les armées royales, et finalement l’arasement de ses remparts en
1621, sur l’ordre d’Henri II de Bourbon, troisième prince de Condé et père du
« Grand », celui de la Fronde). Les enfermés de 1573 n’auraient pas
droit au nom de martyrs, galope F.Lestringant (ou déclare Jean de Léry ?),
surtout avec de telles pratiques culinaires, mais enfin, peut-être, pour éviter
de les juger, faut-il prendre l’affaire de plus haut et se situer dans la
logique d’un dessein divin ….
Comme on peut voir, tout ça est assez foutraque et part dans
tous les sens, probablement ré-assemblable en narration historique ordonnée,
mais entendu et donc noté , avouons-le, sans queue ni tête.
Y a-t-il alors une conclusion ? Point trop je crois.
Encombré par son érudition et ses préoccupations multicouches, F.Lestringant
–surtout sur la fin – n’a plus rien maîtrisé, donnant au passage des
indications individuellement intéressantes, mais n’organisant pas une linéarité
claire sur un schéma simple qui ne
demandait qu’à joindre
l’histoire-témoignage d’Hérodote aux témoignages primant l’Histoire des
survivants de la Shoah (il a dit cela quasi allusivement ; je crois que je
l’ai escamoté ci-dessus), en insistant sur l’époque de la Réforme où les passions l’ont emporté sur
l’objectivité naissante, et en soulignant qu’il n’avait que l’ambition de
construire à son tour, en succession d’exemples, un témoignage, celui de l’émergence au long de l’Histoire, plus ou
moins faite par l’Historien, des statuts séparés du témoin et du martyr, appuyé
sur le critère clair de Saint-Augustin (Martyres
discernit causa, non pœna) et l’évidence que tout martyr, à sa façon et
sans réciprocité, est un témoin.
Puis vint le temps du débat.
Car voilà, je l’avais oublié, en chaque fin de
« séminaire », le maître et le séminariste se condamnent, et nous
avec, à l’échange harassé de deux pensées fort lasses. On a fait cours, on a
tout dit de ce qu’on avait préparé, ou presque tout. Compagnon, qui peut revendiquer le
« presque », a pour lui le recours du report, ce n’est donc pas le
moment de commencer à déflorer la suite. Et l’invité, hors d’haleine, à qui le
presque était interdit, est encore essoufflé, le sprint final laisse des traces,
et n’a plus qu’une envie : qu’on le laisse partir.
En résumé, on n’a rien à se dire.
Alors quoi ? Encore parler ? Pour se raconter
quoi ? L’un qui ne sait que demander, Compagnon, tant il est peu fait pour
l’exercice, filandreux, hésitant, probablement dans les restes brumeux d’une
écoute parfaitement dilettante pour ne pas dire indifférente encore plus que
distanciée, et l’autre qui, dès lors, ne comprenant pas la question parce
qu’elle est incompréhensible, ou tautologique, n’a guère que le recours du
trébuchement à l’aveugle , un « Bien oui, et je suis fort ravi que
vous l’ayez noté, et en soyez d’accord », qui répond assez parfaitement au
« Ce qui m’a retenu dans ce que vous avez dit, c’est la question de fond,
le point clé que vous avez soulevé au moment même où il fallait, justement,
c’est du moins le sentiment que je partage avec vous, l’introduire» de son
interlocuteur.
Ponte du jour . Et Verbatim :
A.C. Merci pour ce parcours vaste, depuis Gide « Témoin
et Martyr », avec l’insistance sur les rapports entre Témoignage et
Histoire, avec au milieu le Martyr.
F.L. Le martyr témoigne jusqu’au bout, qui donne sa vie pour
la transmettre autrement
A.C. Le passage du témoignage au récit, avec le reflux de
l’authenticité …
F.L. La mise en récit fictionnelle, avec des liens qui n’ont
pas été perçus comme tels. Les premiers recueils de martyrs : cinq jeunes gens emprisonnés qui, condamnés,
ont écrit depuis leur prison pendant un an … Mais il y a l’édition, le problème
du liant, de la pâte …
A.C. Le problème de l’historien qui devrait, qui pourrait
s’en tenir aux documents. Sans juger. Sans réécriture. Le fantasme du
témoignage non perverti …
F.L. L’idéal du style nu, de l’histoire nue, débarrassée de
tout ornement …
A.C. Tout ce que « tu » as posé [oui, aujourd’hui
on est dans la proximité], historien,
témoin, témoignage, récit, cela va être utile pour la suite du cours. Voilà me
semble-t-il, oui, bon…..
On s’enfonce lentement, comme d’habitude, dans les sables
mouvants du bredouillement conclusif.
Et le public s’arrache
à l’immobilité quand des lourds locuteurs la parole s’efface…
… pour parodier un peu Leconte de Lisle (Les
Éléphants).