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Mémoire-de-la-Littérature
23 mars 2013

Pierre Assouline – Séminaire survolé du 12/03/2013

(Avec bref  et dernier retour sur Serge Sur)

Assouline       On ne présente pas Pierre Assouline. J’en dirai donc deux mots. Et d’abord que le blog qu’il tient (http://larepubliquedeslivres.com), auquel je me suis reporté, m’a semblé fort intéressant et qu’on y trouve, en date du 28/2/2013, un très bon billet (« Après Sainte-Beuve », vous permettez, Proust ? )  dont il a repris plusieurs passages dans son intervention .

 Antoine Compagnon a donné quelques éléments bibliographiques, pointant deux ou trois biographies – Pierre Assouline se plaindra de l’étiquette « biographe » dont on l’affuble (et du coup  à laquelle on le réduit) trop aisément . Naissance à Casablanca en 1953 et puis, Paris, Lycée Janson-de-Sailly, Université de Nanterre, Langues Orientales, Journalisme, riches activités culturelles, académicien Goncourt depuis 2012, pas de cravate et un rasoir électrique réglé pour une barbe de six jours.

J’ai d’abord été un peu agacé par ses premiers ronds de jambe et de le voir inféodé à son Mac portable sur lequel il lit le texte de son intervention.  Et puis, j’ai suivi avec intérêt sa présentation, assez fluide malgré les lourdeurs d’une lecture à l’écran, avec quelques anecdotes personnelles, quelques citations, quelques coquetteries, quelques jugements agréablement sans détours, l’aveu d’un projet ou avant projet d’écriture, une possible fiction autour d’un personnage sorti de la Recherche  à travers lequel balayer la vérité du monde qu’a traversé Proust, un livre qu’il veut entreprendre en écrivain libéré, lui qui se dit, concernant Proust, biographe frustré.

J’ai pris très peu de notes.

Une remarque du Temps retrouvé : « … cette fuite loin de notre propre vie que nous n'avons pas le courage de regarder, et qui s'appelle l'érudition » le retient.

Une évocation de Bernard de Fallois passe, « découvreur »  et d’une certaine façon inventeur du Contre Sainte-Beuve, montage de documents qui n’avaient pas l’homogénéité de ce titre, ce Contre Sainte-Beuve (voir le billet de son blog indiqué plus haut) dont il dit qu’il est un traité d’hostilité viscérale à toute biographie.

Pierre Assouline produit comme décisive pour lui dans son regard sur les autres une phrase de Proust à la syntaxe curieuse que je n’ai pu localiser : « Nous vivons auprès de gens que nous croyons connaître mais qu’il nous manque l’événement qui nous les révélera autres que nous les savons ». Le fond me semble d’évidence, tant l’événement peut faire l’homme.

J’adhère tout à fait à une incidente sur la lecture, supérieure à la conversation, qui ne permet pas le recul, le retour sur soi et j’entends Pierre Assouline parler de désinhibition de l’écrivain via la lecture de Proust et, avant lui, de Cervantès.

Je note une remarque comparatiste sur Céline et Proust, le premier, grand « bouleverseur »  de la langue, et le second nous conduisant à une nouvelle perception du monde, dans une âpre lutte entre le secret des sentiments et les vérités de l’intelligence estime Assouline. L’un et l’autre, géants de la littérature, les deux plus grands du XX° siècle français, et il rappelle le mot de Céline : « Il y aura eu deux  grands écrivains au XX° siècle, et l’autre s’appelait Marcel Proust ».

Un hommage de Duras à Proust est cité, et une mystérieuse lettre torride de Marcel à Lucien Daudet dont parle Julien Green, que personne n’a lue, qui dort quelque part dans une cachette italienne et que tout le monde attend ( ?).

L’affaire est prestement bouclée en 38 minutes. Pas désagréables.

Suit un échange, à ma surprise renouvelée eu égard au peu d’aisance d’Antoine Compagnon dans l’exercice – mais, je l’ai déjà souligné, cette année, c’est « la-nuit-le-jour » - assez vif (tout est relatif de la part d’AC) et intéressant. Pierre Assouline y entame un éloge de la (phonétiquement) googuelisation des réflexions/recherches biographiques, vantant les divines surprises du clic et n’enlevant visiblement ( ?) pas ses réticences à Antoine Compagnon, dont on n’est jamais certain d’interpréter correctement les silencieux embarras. Au passage, un désaccord sur un accord, l’accord allant au regret de ne pas disposer d’enregistrement de la voix de Proust, le désaccord s’installant sur la disharmonie dissuasive du phrasé d’Apollinaire, enregistré, lui, disant l’un de ses poèmes (sauf erreur, La chanson du mal aimé). A la répulsion franche et massive de Pierre Assouline répond l’approbation toute en demi-teinte de Compagnon.

Ils évoquent aussi l’émission-souvenir de Roger Stéphane consacrée à Proust et, dit Pierre Assouline, accessible sur INA.fr  .  AC en a déjà parlé, et de la « plisse » (pour pelisse) de Proust évoquée par Paul Morand. J’ai fait un essai pour le moment très largement infructueux, n’ayant eu accès qu’aux huit premières minutes, dont néanmoins une émouvante intervention de François Mauriac. Je n’ai pas pu télécharger la suite. Partie remise. Mais puisque j’y étais, j’ai tapé « Apollinaire » et obtenu sa voix lisant « Sous le pont Mirabeau » (http://www.ina.fr/audio/P12027213/guillaume-apollinaire-le-pont-mirabeau-marie-audio.html) . Ce n’est pas terrible, c’est vrai, déclamatoire, sinusoïdal et impersonnel, mais cela reste un témoignage auquel on ne peut être indifférent, dans une certaine tradition ajourd’hui obsolète et dont une sorte d’acmé reste pour moi, les accents de Malraux accueillant les cendres de Jean Moulin au Panthéon.

 

Un petit retour, pour finir,  sur ces séminaires « Proust et vous » et sur Serge Sur.

Je constate que j’écoute les invités avec un intérêt dégressif. Cela ne tient pas qu’à eux je crois. J’ai d’ailleurs plutôt rebondi, aujourd’hui. Mais enfin, le principe de l’exercice imposé par Antoine Compagnon a ses limites, qui tiennent à ce qu’on peut être intéressé par la Recherche, et moyennement par les anecdotes personnelles de X ou Y. Nous aimons tous nous raconter, il est moins assuré d’y retenir l’attention des autres. On vient ici pour Proust et toutes les analyses ne le rencontrent pas.

Probablement - et je le comprends -  irrité de ce que je l’avais mal traité en  « court-circuitant » son intervention, on a vu et je l’ai signalé que Serge Sur avait en commentaires fourni le texte de son exposé. Je l’ai relu. Je ne le commenterai pas davantage. Deux précisions supplémentaires par rapport à mes quelques lignes de l’autre jour. Je soupçonne toujours de coquetterie les intervenants qui affirment n’avoir ou pas préparé, ou pas relu et disent citer « de mémoire ». Serge Sur l’a fait deux fois et, ayant eu la curiosité d’aller à la source, je dois lui concéder la vraisemblance et, même, la véracité certaine de son affirmation, les citations fautives – une spécialité proustienne, ce qui malgré tout atténue voire valorise l’approximation – valant me semble-t-il acte de mémoire.

Dans Albertine disparue, il a énoncé : « Du monde et de la vie il ne me restait, sans qu’au fond je les connusse, qu’une impression ou la fatigue le disputait à la tristesse » . La citation exacte était : « La vérité et la vie sont bien ardues, et il me restait d'elles, sans qu'en somme je les connusse, une impression où la tristesse était peut-être encore dominée par la fatigue. »

De Saint-Simon, il a rappelé : « Déjà il ne voyait plus le monde et la vie qu’à la lueur de ce terrible flambeau qu’on allume aux mourants », pour : « {Alors il tint le roi  d'Espagne par le for de la conscience, qui eut sur lui d'autant plus de pouvoir} qu'il commençait à ne regarder plus les choses de ce monde qu'à la lueur de ce terrible flambeau qu'on allume aux mourants. »

Ce n’est pas si mal … pour pratiquer l’understatement, façon snob de dire euphémisme. 

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