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Mémoire-de-la-Littérature
3 mars 2014

LA COMEDIE DE CHARLEROI - LA MAIN COUPEE ; DRIEU & CENDRARS

 

Drieu-la-Rochelle

Sur la Comédie de Charleroi, recueil de nouvelles dont la première donne son titre à l'ensemble, simplement dire que l'on rencontre ici un écrivain. La réussite est inégale mais les deux premiers textes (La Comédie elle-même, puis Le Chien de l'écriture) sont ciselés. J'ai moins aimé les deux textes centraux (Le voyage aux Dardanelles et Le déserteur). Il faut dire qu'on entre ici vraiment en littérature. Il ne s'agit plus de témoignage des tranchées mais de réécriture travaillée à partir d'une expérience modifiée par la vision littéraire. Et modifiée avec une grande maîtrise. Le scénario en play-back de la Comédie de Charleroi est magnifiquement dominé.

Le Chien de l'écriture: le titre m'intriguait. L'origine est dans des versets bibliques : 

Matthieu 7.6. Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, ne se retournent et ne vous déchirent.

 2Pierre 2.22. Il leur est arrivé ce que dit un proverbe vrai: Le chien est retourné à ce qu’il avait vomi, et la truie lavée s’est vautrée dans le bourbier.

Commentaires (source Net) : "On peut se représenter l’image d’un chien qui s’est rendu malade avec ce qu’il a mangé. Il rejette alors tout ce qu’il avait ingéré. Mais quelque temps plus tard, il revient sur ses pas et mange de nouveau ce qu’il a vomi. Le vomi du chien symbolise ici le caractère odieux du péché. Le faux chrétien est comparé à un chien qui retourne à ce qu’il avait rejeté antérieurement. Il avait tourné le dos, pour un moment, à la vie pernicieuse qu’il menait. Mais il faut croire que tous les troubles occasionnés par une telle vie sont maintenant tombés dans l’oubli. Il retourne alors à son ancienne vie caractérisée par la perversion et le désordre. Attrait du péché".

C'est bien le schéma de la nouvelle. Mais le péché du sergent Grummer, c'est plutôt la lâcheté face à la perspective de combattre. Le texte est très court et c'est une réusite absolue.

 

Blaise Cendrars

La main coupée m'a assez violemment agacé. Je n'aime pas les faiseurs et Blaise Cendrars s'y met en scène dans la plus pure tradition du miles gloriosus (le soldat fanfaron des légions romaines). Il domine les événements, il sait tout faire et en particulier faire face à tout, son intelligence est très supérieure à celle de ses officiers, son habileté stratégique et son inventivité tactique sont sans pareilles. Etc. Ses vantardises me semblent être sans limites et de tout ordre : ainsi, droitier récemment amputé du bras droit et rendu à la vie civile, il opère d'une grosseur tumorale au sein, de la seule et malhabile main gauche, sur des souvenirs de lecture d'un traité d'Ambroise Paré, dans une chambre d'hôtel, sans anesthésie, à l'aide d'une lame gilette passée à la flamme de quelques allumettes, sa compagne dont l'appas concerné survivra sans l'ombre d'une cicatrice. Ben voyons!

 

En patrouille, parmi les copains qui certes, meurent les uns après les autres mais sont  rayés d'un trait de plume, on croit suivre Sylvester Stallone organisant des épisodes de Rambo. Et trop, c'est trop. Je n'ai à opposer, comme souvenirs littéraires récents d'exploits aussi complaisemment auto-rapportés, que les comptes-rendus invraisemblables de Claude Lanzmann dans Le lièvre de Patagonie, dont j'ai rendu compte en son temps

C'est regrettable car cette irritation ne s'installe que progressivement, les débuts du roman se montrant attachants et enlevés. Il y a des portraits vifs, hauts en couleur, des camarades, cela fourmille d'anecdotes, des émotions affleurent (elles reviendront chez le lecteur que j'ai été dans les toutes dernières pages), mais peu à peu, on s'étonne de tant de faits rapportés qui progressivement renvoient à une suspicion d'imagination débordante et de mythomanie galopante. Il y a du style (mais ce n'est pas Céline), des pages de description de paysages travaillées et réussies, mais je l'ai dit , quitte à me répéter : Trop, c'est trop. On est en plein dans la logique du formidable western de John Ford, L'homme qui tua Liberty Valance « On est dans l'Ouest, ici, Monsieur. Quand la légende l'emporte sur la réalité, on publie la légende » (This is the West, sir. When the legend becomes fact, print the legend). Et c'est assez triste d'être poussé à écrire cela quand la guerre a eu lieu, quand Cendrars y a réellement perdu un bras, quand il a certainement approché fût-ce d'une autre façon que celle écrite, mais non moins courageuse, la vérité des patrouilles et des affrontements, quand tous ces camarades de combat dont il nous peint avec tant d'allant les facéties farcesques et glorieuses sont tombés au combat, oui, c'est assez triste, mais les galops de son imagination débordante nous donnent à lire un livre d'aventure et l'on dit:  Quel talent de conteur! Et puis l'on pense : Et quel talent d'invention! Dommage. 

 



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