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Mémoire-de-la-Littérature
17 novembre 2015

VOUS REPRENDREZ BIEN UN PEU DE BARTHES …. ?

Colloque 2               Colloque 1            

            Avant la table ronde                                            Table ronde et ... alignement

 

Le Colloque, ma foi, était tentant :

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VENDREDI 13 NOVEMBRE 2015

9h Ouverture

Alain Prochiantz, Administrateur du Collège de France

9h15 Comment parler à la littérature avec Roland Barthes

Julia Kristeva

10h La question de l’indialectique

Georges Didi-Huberman

11h Formes du pathos chez Barthes

Patrizia Lombardo

11h45 « Le même siècle a inventé l’histoire et la photographie... »

François Hartog

14h30 Lettre d’un inconnu

Patrick Mauriès

15h15 Entre je et nous, entre lui et nous

Colette Fellous

16h Souvenirs du culte de Barthes à Stockholm en 1980

Horace Engdahl

17h Table ronde

Alain Finkielkraut et Marc Fumaroli, avec Antoine Compagnon, Éric Marty et Philippe Roger

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SAMEDI 14 NOVEMBRE 2015


9h15 L’automate de Fellini : une image folle d’amour et de pitié

Paolo Fabbri

10h La place de Barthes dans mon travail compositionnel

Misato Mochizuki

11h Roland Barthes plays Schumann ardently, badly

Richard Sennett

11h45 Le plaisir de l’architecture

Bernard Tschumi

14h30 Roland Barthes : une vue en contre-plongée

Jean-Marie Schaeffer

15h15 Barthes et les langues étrangères

Tiphaine Samoyault

16h15 Quelqu’un d’autre

Pierre Bergounioux

17h Daniel Mesguich lit La Chambre claire

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Le vendredi 13/11, je n'ai pas pu me libérer avant 16 heures et j'ai fait un saut au Collège pour assister aux dernières minutes de l'intervention d'Horace Engdahl et suivre en totalité la table ronde qui clôturait la première journée. Il n'y en eut d'ailleurs pas de seconde, pour cause de Vendredi 13 tragique et de fermeture induite du Collège le lendemain.

Quand je suis arrivé, Horace Engdahl achevait de parler. A la tribune, à ses côtés, muettes, Colette Fellous et Julia Kristeva .

Horace EngdahlColette FellousJulia Kristeva

Secrétaire perpétuel de l'Académie Suédoise en 2008, Horace Engdahl avait, par un jugement un peu excessif, créé le scandale en déclarant, à propos de la faible représentativité US parmi les Nobel de littérature : "L'Europe est encore au centre du monde littéraire. Les Etats-Unis sont trop insulaires et isolés, ils ne traduisent pas assez et ne participent pas au dialogue des littératures." On lui avait jeté Philip Roth à la figure. Etc.

Il est en train d'achever sa présentation. Je glane quelques restes. Une remarque vraie sur la levée des inhibitions en 1968. Il évoque Maurice Blanchot racontant que, peu médiatisé, il avait engagé (dans la cour de la Sorbonne?) la conversation avec Michel Foucault, qu'il avait – sans réciprocité – reconnu, s'enchantant de cette situation – et dans la même cour de la Sorbonne, à la même époque, je m'étais fait , l'expérimentant, la même réjouissante réflexion – où la parole libéré permettait que tout le monde parlât sans aucune barrière à tout le monde. Le flux des échanges était étonnant. Provisoire, bien sûr. Les rigidités habituelles n'ont guère tardé à se réinstaller. Mais il y avait eu un moment de grâce ….

Il évoque le pathos de Barthes … mais j'ai raté la communication matinale de Patrizia Lombardo.

Dans les dernières minutes d'un échange (avec Julia Kristeva ?), il se livre à une assez amusante digression sur le "je" et le "nous", le "je" qu'on ne peut assumer qu'à partir d'une certaine notoriété, que depuis un certain  niveau de position sociale, en deça de quoi – ou trop jeune – on préfère se rassurer (ou s'abriter) d'un "nous" collectivisant , un "nous" qui embarque avec lui quelque petit groupe de pairs. Une position peut-être majoritaire, mais qui ne me semble pas si générale …

Parole à la salle … Intervient un artiste inconnu se présentant comme tel, affirmant avoir été apprécié de Roland Barthes qui le visitait en son atelier de la place de la Sorbonne, et à qui il aurait soufflé l'idée de son cours sur le neutre, au motif que sa propre épouse "ne savourait les raviolis qu'à condition d'en expulser la farce".  Le lien lui semblait évident. A Barthes aussi, peut-être (?). C'est assez long et filandreux (l'intervention de l'artiste, pas les raviolis).

Julia Kristeva remercie l'intervenant d'un assez méprisant: "Merci d'avoir exposé votre singularité". Et malgré le caractère assez évidemment oiseux du discours ainsi interrompu, je me suis à chaud demandé si la réception n'en aurait pas été tout autre, formulé avec aussi peu de talent mais par quelque notabilité culturelle ou universitaire. Pour juger de l'anecdotique, on se contente souvent de savoir qui l'énonce, et d'où …

******

Interruption de vingt minutes en attendant la table ronde. Les uns partent, d'autres arrivent. Alain Finkielkraut s'assoit quelques instants dans un des fauteuils réservés de la première rangée. Décidément, il se voûte. On vient le saluer. On lui présente un registre à signer : il est gaucher. L'amphi Marguerite de Navarre est plein . Je me suis mis dans une galerie latérale. La station debout ne me dérange pas et je peux prendre confortablement quelques notes sur une tablette. Cela me rappelle la première leçon d'Antoine Compagnon, le 05/12/2006. J'étais aussi, et plus jamais ensuite, dans la galerie symétrique de celle-ci. Il faisait une chaleur épouvantable et, imprévoyant, je portais un épais col roulé que, parfaitement conscient de l'incongruité de la chose, mais en nage, je fus rapidement contraint de quitter pour écouter en Marcel, honteux, confus, et obstiné, le cours. Il est vrai qu'on parlait de Proust …

Après deux mots de présentation, Antoine Compagnon demande à Marc Fumaroli d'ouvrir le bal. Nous revoici dans l'anecdote. Il a connu Roland Barthes en amont de sa notoriété et garde le souvenir d'un jeune homme aussi intensément séduisant que profondément malheureux. Il s'en est ensuite un peu éloigné, par le hasard des circonstances, par les réserves que lui inspirait le scientisme de Barthes à l'époque du structuralisme, par la vague solidarité -  qu'il évoque pour la refuser – qui pouvait le pousser vers Raymond Pïcard dans la querelle Barthes-Picard des années soixante à propos de Racine, le tout pour se retrouver, après le décès de 1980, invité au Mexique.

Diable me dis-je: où va-t-on de ce train?

Invité donc fut Marc Fumaroli, dans un cadre culturel que je n'ai pas noté, par une personnalité certainement éminente mais dont je n'ai rien retenu, sinon que fort civilement, elle offrit au voyageur que le voyage avait fourbu une très confortable chambre dont il n'examina, pressé de se coucher, aucun détail.  Les rayons du matin le tirent du sommeil, et sa vue, s'accommodant, aperçoit sur les murs d'innombrables billets épinglés formant tapisserie. Intrigué, il se lève et curieux, il s'approche. C'étaient des mots d'amour, poèmes inouïs de bonheur inondés, et tous signés RB, dont son hôte avait été destinataire.

Où était-il passé, le Barthes malheureux des années d'autrefois? Il avait donc finalement connu le bonheur, cet  ex-jeune théoricien embourbé dans d'arides recherches que l'âge lui avait bénéfiquement fait quitter pour un peu d'hédonisme (Tiphaine Samoyault va beaucoup plus loin que cela ) et le plaisir des textes?

Le fumarolesque propos m'a laissé un peu coi. Sans doute simplifié, réducteur, schématique, mais enfin assumé, avec m'a-t-il semblé, comme la gourmandise d'une petite provocation (?) dans ce dévoilement vaguement exotique d'un bout d'intimité de l'auteur des Fragments d'un discours amoureux - qui n'y paraissait d'ailleurs guère épanoui.

Marc Fumaroli, quoi qu'il en soit de mon ressenti, s'est dit tout-à-fait enchanté , pour lui, que l'appétit du bonheur soit parvenu au moins ponctuellement à surmonter chez Roland Barthes les désespoirs desséchants de la recherche théorique.

Je ne suis pas certain qu'il y ait là une approche synthétisante entièrement pertinente du disparu probablement complexe et compliqué dont on fêtait le centenaire de la naissance.

Alain Finkielkraut, ensuite, qui ne se déplace jamais sans ses livres et nous a préparé quelques phrases de Chateaubriand (La vie de Rancé) et une citation de la correspondance de Flaubert. Sans oublier Péguy, et en commençant par une référence à Georges Steiner. Il évoque à travers ce dernier la conception du temps comme critère de séparation entre l'approche du scientifique (la flèche du temps (sa pointe) indiquant pour lui l'avenir) et de l'humaniste (préoccupé par son talon – celui de la flèche, s'entend, i.e. le passé). Une dichotomie que contestera Antoine Compagnon.

Finkielkraut semble-t-il, même si dans un autre esprit que Marc Fumaroli, donne à lire deux Barthes, l'un scientifique et prométhéen, l'autre humaniste et orphique et, selon lui, si Prométhée et Orphée n'ont cessé de combattre en Barthes, c'est Orphée qui lui a inspiré ses plus belles pages. Peut-être, lorsqu'il affirme, provocateur lui aussi, que Roland Barthes a fini par trahir Roland Barthes, renvoie-t-il à une victoire finale d'Orphée sur Prométhée. Tout cela me paraît à la fois cultivé et légèrement confus et je crains que le contresens ne me guette. La conférence (Collège de France – 19 octobre 1978) Longtemps je me suis couché de bonne heure (Marc Fumaroli aurait-il  complété … pour finalement me coucher de bonheur) où sont appelés Proust et Tolstoï amène un commentaire sur l'art qui habite non du côté du progrès mais du regret, et ouvre même sur un passéisme que Finkielkraut trouve accentué dans le dernier séminaire sur La préparation du roman. Angoisse de la disparition du passé, angoisse de la disparition de la langue, et c'est ici que Finkielkraut lit Flaubert et Chateaubriand.

La préparation du roman

Eric Marty intervient, pour évoquer aussi une évolution chez Barthes, de la position du théoricien à la position de l'écrivain, conseillant à Finkielkraut de reprendre sa lecture de La préparation du roman dans la dernière version publiée (par ses soins – je jette un œil sur Amazon : 31€ - ), une transcription des enregistrements du cours au Collège de France et non, comme dans la version précédente, la publication des notes manuscrites amont. Il dit Barthes constamment dans un rapport critique au présent et que, par référence aux renvois de Finkielkraut, quand il évoque Chateaubriand et Stendhal, c'est plus à la dégradation du style journalistique contemporain qu'il pense qu'à la question générale de l'affaissement de la langue.

Antoine Compagnon glisse une remarque en forme de repentir , avouant qu'il pense être autrefois allé trop loin en affirmant l'existence de deux Barthes et que désormais, il croit plutôt chez ce dernier à la présence constante de ses différentes dimensions, parlant d'un tourniquet barthésien, expression qui va déplaire à Marc Fumaroli qui réaffirme immédiatement que non, lui a bien senti, dans le temps, deux Barthes distincts.

Restait Philippe Roger - co-organisateur avec Antoine Compagnon du Colloque, m'a-t-il semblé entendre - qui dira, discret, peu de choses, mais parlera d'art de vivre à la recherche duquel aurait été Barthes, lequel affirme-t-il avait besoin de cautions pour (s')affirmer et pouvait se placer dans l'ombre de Brecht ici, du Japon, là. Marc Fumaroli, qui n'en démord décidément pas, en profite pour lancer sa flèche du Parthe, re-commentant sa dichotomie chronologique d'un premier Barthes au fond petit, avant un second Barthes, ouvert à la joie, qu'il veut bien dire grand.

Deux points pour finir :

Antoine Compagnon, tentant une unification du parcours de Roland Barthes à travers sa quête constante, du début à la fin, visant à cerner, sur quelque objet que ce soit, "la chose même", ce que justement il est et qui nous échappe et qui le fait par là  "intraitable".

Alain Finkielkraut, en venant à poser ce que, dans un contexte plus relâché, on pourrait accepter de nommer "la question qui tue" et que lui nomme paradoxe : Mais au fond, dans ce cours sur "La préparation du roman", Barthes, qu'enseignait-il, au juste?

Je crois qu'en fait, c'est là qu'Eric Marty lui a conseillé de reprendre l'affaire avec sa nouvelle édition, plus proche de ce qui fut, réellement, parlé, au Collège de France.

******

On se dit là-dessus à demain, et demain ne fut pas, puisque le Bataclan, à quelques heures de là, passait brutalement

attentat_4

du Rock Heavy Metal à la Kalachnikov.

Ce n'était plus le temps des débats feutrés.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
C
Remarquablé commentaire sur la boue leçon effectivement surprenante<br /> <br /> Les auditeurs arrivés 2 h avant!!!! Ont l'air pour l'instant satisfaits
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C
Pas de commentaire J.attends ce que vous pensez des chiffonniers merci
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C
Ou en etes vous avec les chiffonniers et Baudelaire?
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