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Mémoire-de-la-Littérature
30 janvier 2017

SEMINAIRE N° 4 – Mardi 24/1/2017

Frank Lestringant

Frank Lestringant , Professeur de littérature française de la Renaissance à l’Université de Paris-Sorbonne.

Communication : Agrippa d'Aubigné, fils de Ronsard, des Discours aux Tragiques.

En 1562, les guerres de religion éclatent en France. Le massacre par le Duc de Guise des protestants de Vassy (Haute-Marne) en marque le début. Ronsard (1524-1585; catholique) écrit ses Discours des misères de ce temps pour déplorer les troubles et attaquer la Réforme.

Les Tragiques, poème épique écrit dans le dernier quart du XVI° siècle par Agrippa d'Aubigné (1552-1630; protestant), mais publié seulement en 1616 et remanié jusqu'à sa mort, raconte les malheurs de la France pendant les guerres de religion, et en appelle au jugement de Dieu pour trancher entre les Justes et les Méchants.

Ronsard      Agrippa_d'Aubigné

Le lancement de la séance par Antoine Compagnon a été particulièrement filandreux.

Ensuite, je me suis laissé porter dans mon assoupissement continu par le discours, lu, du séminariste, qui n'a pas appliqué le principe de base seriné par leurs conseillers pédagogiques à tous les enseignants en formation: ne pas s'accrocher à ses notes. Préparer, et ensuite, savoir se détacher de sa préparation.

Il s'est agi, si j'ai moins mal suivi que je ne le crois, de discuter de la filiation de Ronsard à d'Aubigné, réinventée par le second, principal intéressé.

Je me suis contenté, réveillé par des termes ou des noms familiers ou inquiété par d'autres qui ne l'étaient pas, de les noter.

Que restituer dans ces déplorables conditions?

Des bribes incoordonnées?

Apologue de Prodicos : Prodicos de Céos, sophiste grec du V° siècle avant JC, donné pour avoir eu comme élève Socrate, a développé, selon Xénophon, un apologue mettant en scène le jeune Héraclès. Celui-ci, à la croisée des chemins par lesquels il pouvait entrer dans la vie, se voit abordé par deux opulentes femmes. L'une tente de l'attirer en lui vantant les plaisirs faciles de la vie, l'autre lui fait entendre qu'il n'est pas d'existence digne d'être vécue si ce n'est dans l'ordre et le devoir. L'une est le Vice et l'autre la Vertu. Héraclès fera le choix de la Vertu et prendra le chemin de ses douze travaux, entre autres …

Agrippa d'Aubigné tombe amoureux de Diane Salviati et lui consacre les sonnets de l'Hécatombe à Diane :

Accourez au secours à ma mort violente,

Amants, nochers experts en la peine où je suis,

Vous qui avez suivi la route que je suis

Et d'amour éprouvé les flots et la tourmente. (…)

Elle est catholique, il est protestant. Ils n'iront pas plus loin.

Ronsard est follement amoureux de Cassandre Salviati, rencontrée lors d'un bal alors qu'il a  vingt ans et qu'elle en a quatorze. L'amour sera impossible. Il restera, entre autres, et dédié "à Cassandre", ceci  :

Mignonne allons voir si la rose

Qui se matin avait éclose

Sa robe de pourpre au Soleil (…)

Agrippa d'Aubigné a ainsi aimé la nièce de celle qui fut l'impossible amour de Ronsard.

La Cassandre mythologique, fille de Priam et d'Hécube, passait son temps en sinistres prédictions. Dans les Tragiques, c'est l'Apocalypse, la fin du monde, que d'Aubigné prédit pour 1666.

Philippe Desportes est cité. Poète facile, à la mode, officiel, dans les années 1570. Ainsi:

Icare est chu ici, le jeune audacieux,

Qui pour voler au ciel eut assez de courage:

Ici tomba son corps dégarni de plumage,

Laissant tous braves cœurs de sa chute envieux. (…)

Un mot savant : Hypotypose. Procédé relevant de la figure de style défini dès Quintilien, rhéteur latin (rhétorique) du 1er siècle après Jésus-Christ, l'hypotypose est "l'image des choses, si bien représentée par la parole que l'auditeur croit plutôt la voir que l'entendre". On cite souvent Racine et le songe d'Athalie:

C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit.

Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée,

Comme au jour de sa mort pompeusement parée. (…)

Empyrée céleste: l'empyrée est le séjour des divinités célestes de la mythologie et le qualifier de céleste peut sembler redondant, sauf à s'abriter de ce que son utilisation peut être extensive, décalée. Ainsi, Simone de Beauvoir : Il y avait un mot [de ma mère] (...) qui nous paralysait ma sœur et moi : "C'est ridicule!" (...); dirigé contre nous, il nous précipitait de l'empyrée familial dans les bas-fonds où croupissait le reste du genre humain.

Il me semble que Frank Lestringant a utilisé proème, terme que Littré dit didactique, et synonyme de préface, entrée en matière, exorde.

Il utilise aussi conatif, ve. La conation, c'est l'effort, pour parvenir à une action. La fonction conative, en termes de fonctions du langage (Roman Jakobson), c'est la visée d'un résultat à obtenir (action, parole) de celui à qui on s'adresse.

Je ne savais rien d'Adrien de Rocquigny (1571-1634), auteur d'une Muse chrétienne, une suite de pièces satiriques en stances de 4 à 6 vers, en trois parties : Triomphe de la charité – Chant pastoral – Misères. C'est semble-t-il un démarquage besogneux des Tragiques.  

La Pharsale,  de Lucain : le 9 août 48 avant JC, César bat Pompée à Pharsale, en Thessalie, nord de la Grèce. Bataille célèbre qui marque un tournant décisif de la Guerre civile que se livrent les deux chefs, où César dont les troupes sont inférieures en nombre montre son génie militaire, avec ce détail complémentaire: il aurait ordonné à ses soldats d'utiliser leurs lances pour frapper leurs adversaires au visage, car ceux-ci, beaux jeunes aristocrates inexpérimentés, craignaient, selon lui, d'être défigurés et rompraient le combat. Lucain (39-65) a composé sous le titre Bellum Civile (Guerre Civile) une épopée lyrique baptisée ensuite Pharsale de façon apocryphe et qui avait l'ambition (elle est restée inachevée après le suicide de son auteur sur ordre de Néron) de narrer la totalité des événements de la Guerre civile, depuis leurs débuts en 49 avant JC jusqu'à l'assassinat de César aux ides de mars 45. L'ouvrage aurait inspiré d'Aubigné.

Pharsale

Applaudissements, suivis de quelques minutes d'échange avec A.C. .....

                                                                                                                     Longs blancs. Ô le filandreux de ces échanges terminaux ! Des mots surnagent: agonistique, d'Aubigné versus Ronsard, ambivalence, admiration, détestation, téléologie, eschatologie, Hercule chrétien …

Mais encore …

Téléologie : notion philosophique en rapport avec la finalité , les fins humaines (bonheur, justice, …), qui peut se comparer au finalisme (tout être a une fin), avec l'idée de but et aussi de finalité de l'Univers .

Eschatologie: doctrine relative au jugement dernier, aux  fins dernières de l'homme, de l'Univers.

Hercule chrétien: hymne composé en 1553 par Ronsard, pour s'attirer les bonnes grâces d'Odet de Coligny.

J'ai, mon Odet, en ta faveur chanté

Ce vers chrétien pour être présenté

Devant tes yeux, afin de te complaire;

Non je ne puis, ni ne veux plus rien faire,

S'il ne te plaît, d'autant que j'ai voulu

Sur tous Seigneurs te choisir pour élu:

Et ce faisant, les autres je n'offense,

Car tu es bien l'un des Seigneurs de France,

Qui plus chéris à mon gré la Vertu,

Comme Prélat d'elle tout revêtu:

C'est la raison, Odet, que je te voue

Ce chant que Dieu dessus ma lyre joue.

Ce prélat catholique est un  grand mécène qui se convertira au calvinisme en 1562 (Ronsard rompra alors) et sera pour cela excommunié par le Pape. Il était le frère de l'Amiral de Coligny, figure protestante éminente des guerres de religion.

Dans cet Hymne de l'Hercule chrétien qu'il lui consacre, Ronsard rapproche la figure du Christ en ses épreuves de l'Héraclès de l'antiquité grecque en ses travaux. Ainsi :

Hé, qu'est-ce après d'Hercule qui alla

Sur le mont d'Oete, et par feu s'immola

À Jupiter, sinon Christ à son Père,

Qui s'immola sur le mont du calvaire?

Dans les Tragiques …  "il n'existe pas de héros qui occupe le devant de la scène, à l'instar d'un Ulysse ou d'un Enée. On est plutôt en présence de masses, de troupes. Les antagonistes sont le plus souvent des foules, dont émerge sporadiquement une figure exemplaire, qui sert, en retour, à dessiner les caractéristiques de l'ensemble dont elle est extraite. Le véritable héros des Tragiques est l'énonciateur et  c'est d'Aubigné lui-même qui peut-être taxé d'Hercule chrétien, mais ici protestant, porte-étendard du calvinisme  (…)". Ces affirmations sont extraites d'une thèse de Ph.D. de Samuel Junod, soutenue en 1999 à l'université Johns Hopkins de Baltimore.

Naissance dramatique de d'Aubigné. Lorsque sa mère accouche, en

1552, le médecin qui l'assiste demande au père de choisir. Il ne pourra sauver ensemble la mère et l'enfant. Le juge Jean d'Aubigné choisit l'enfant. Agrippa d'Aubigné aura pour petite fille Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon, maîtresse puis épouse de Louis XIV.

BILAN?

Dans le journal Le Monde du 29/07/2013, on lit ceci : "Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? s'est demandé le pape François à son retour des Journées mondiales de la jeunesse."

Qui suis-je pour juger? C'est effectivement une question qui se pose à tout propos. Et à moi, qui n'ai que trop tendance à juger, le premier. Pourtant, comment faire autrement?

J'ai réécouté quelques extraits du séminaire de Frank Lestringant. Tout cela est fort savant. Alors pourquoi geindre sur mon ennui d'auditeur, et sur mon incapacité à rendre compte, à quel titre? Justement, au titre d'auditeur.

Le problème récurrent de ces séminaires, c'est souvent presque la surcompétence des intervenants, l'inflation des contenus qu'on cherche à délivrer dans un temps limité, puis soudain, le presque puits sans fond d'un soi-disant dialogue terminal avec Compagnon où la pensée ne sait ou ne peut pas avancer. 

De quoi s'agissait-il cette fois? D'aller de Ronsard à d'Aubigné dans le cadre d'une thématique imposée: La littérature comme sport de combat. Il faut, je crois, moins dire et moins vouloir dire que ce qui a été tenté. Choisir un axe de progression et en poser plus simplement le début et la fin. Le cadre aussi: sauf erreur, les Guerres de religion. Les deux héros. Leur rôle dans chaque camp. Les frères ennemis, malgré le fossé chronologique. Les Discours (Il dit et déracine un chêne) et les Tragiques (Sire Olivier arrache un Orme dans la plaine). Schématiser, peut-être, pour mieux conter. On n'attend pas ici une leçon d'agrégation, mais l'illustration enlevée d'une idée par un conteur.

Plus d'épée en leurs mains, plus de casque à leurs têtes,

Ils luttent maintenant, sourds, effarés, béants,

A grands coups de tronc d'arbre, ainsi que des géants.

Hugoliser, en somme!

ma_CombatRoland

Agrippa d'Aubigné, fils de Ronsard?

Beaucoup dit, difficilement suivi, au sein d'un brouillard érudit.

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