Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mémoire-de-la-Littérature
21 août 2021

SEROTONINE ou Quand Michel Houellebecq joue à chatte-bite …

781165Malgré les enthousiasmes en quatrième de couverture d'Arnaud Viviant et Olivia de Lamberterie, deux piliers de l'émission cultureuse et bobo (dont je suis néanmoins un fidèle auditeur, on a ses faiblesses) Le masque et la plume, on est loin du ''grand roman romantique d'un type en train de mourir de chagrin'' de celle-ci comme de l'affirmation péremptoire de celui-là selon laquelle ''personne n'a jamais été aussi loin dans la représentation du réel''. On navigue en réalité plutôt dans les eaux d'une pornographie déprimée remâchée par un ingénieur agronome à la libido effondrée et qu’écœure la vanité de ses activités professionnelles.

J'aime bien, généralement, les dépressifs en littérature et par ailleurs, la pornographie à dose homéopathique peut apporter un peu de piment à l'intrigue, mais ici, elle n'est que le cadre obligé d'un discours très réducteur sur la relation amoureuse dont Houellebecq ne parvient pas à dégager, au-delà d'affirmations de principe sur leur merveilleux, les autres aspects. Le concept de chatte-humide qu'il s'efforce de substituer en termes d'analyse proustienne surprenante à celui de jeune-fille en fleur semble être le tout de ses capacités d'explicitation dans l'approche de la question. Cela situe l'affaire. Qu'Olivia de Lamberterie lise là un souffle romantique laisse rêveur quant à sa relation au sexe opposé. Quant à Arnaud Viviant, il confond représentation du réel et catalogue atone de faits et gestes qui découlent du passage en mode automatique d'un comportement que ne soutient plus aucun projet et qui s'articule sur l'ingestion maximisée d'alcools divers et l'abandon de toute ambition relationnelle.Deux personnages féminins, Kate et Camille, surtout Camille, introduisent la tentation d'une échappée fleur bleue totalement ratée, l'esquisse d'un accès à un bonheur affirmé dont malgré tout l'auteur ne parvient pas à dessiner les linéaments dans un rapport dépassant la fellation extatique.

On ne saurait nier chez Houellebecq le sens de la formule amère et le rire, indiscutablement, surgit d'un certain nombre de remarques où la misogynie dialogue avec la misanthropie, sans oublier de lui reconnaître un talent réel pour la lucidité mélangée d'auto-flagellation. La dimension politique même n'est pas absente du projet romanesque et Houellebecq narrateur, toute sexualité oubliée, ne cache pas sa sympathie, son empathie impuissante pour la cause paysanne en des pages à la sincérité parfois un peu ennuyeuse dans sa technicité. Se superpose aussi tant au drame social qu'à l'effondrement affectif une pincée de thriller qui vient compléter sans désagrément le parcours de son lamentable anti-héros.

Mais tout étant écrit, on va vers l'issue logique d'une vie consacrée au ratage en compagnie d'un médecin assez réjouissant et, au terme de cette grande partie de chatte-bite qu'est Sérotonine, on quitte l'auteur et lui probablement ce monde sur un petit calcul galiléen et un non moins petit accès inattendu de mystique christique.

Voilà.

Rattrapage de vacances: deux demi-journées de farniente à consacrer à un Houellebecq que j'avais négligé.

POST-SCRIPTUM:

 

houellebecq_lysisUn coup d’œil sur internet à la recherche d'illustrations pour ce billet m'apprend, événement décisif qui m'avait totalement échappé, le mariage en 2018 de Michel Houellebecq avec une jeune Lysis, de 34 ans sa cadette, dont l'évidente origine asiatique ne peut que propulser le lecteur de Sérotonine vers une identification de celle-ci à la Yuzu des débuts du roman, que je me suis abstenu de citer car elle ne m'est pas apparue décisive dans l'évolution psychologique du narrateur. Quand on se reporte aux pages que Houellebecq consacre aux qualités et spécificités intimes de Yuzu, on est pris de vertige et seule une foi absolue dans la capacité de l'écrivain à créer des figures tirées de tout sauf de son expérience personnelle, permet d'envisager que Lysis ait pu les lire de sang-froid.

Publicité
Publicité
Commentaires
Mémoire-de-la-Littérature
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité