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Mémoire-de-la-Littérature
11 février 2010

Séminaire Compagnon du Mardi 9 Février.

Eric Marty -  ‘‘La littérature et le droit à la mort’’.

Parti à la recherche qui s’est avérée vaine - manque de persévérance ? –  de photographies d’Eric Marty sur Internet, voici sur quoi je suis tombé :

« ……     Conférences ‘‘Grandes Références’’  Prochains événements.

… dans le cadre du séminaire théorique de Geneviève Morel (Psychanalyste - Photographie ci-dessous)

Savoirs et clinique invite cette année des psychanalystes de diverses orientations analytiques et des auteurs et chercheurs qui, dans leurs disciplines respectives, nous feront part de leurs réflexions. Ces rencontres publiques seront l’occasion d’un large débat.

Samedi 29 mai 2010, de 14 h 30 à 16 h

ESC Lille, avenue Willy Brandt, 59777 Euralille, amphi B, métro : Gares.

Ouvert au public. 20 € (TR 8 €) pour ceux qui ne sont pas inscrits à Savoirs et clinique.
Eric Marty Université Paris Diderot - Paris7 U.F.R. Lettres, Arts et Cinéma (LAC)

Case 7010

Journal de deuil de R. Barthes (Paris, Seuil, 2009, 308 p)

Journal de deuil de Roland Barthes est un livre posthume qui paraît une vingtaine

d’années après le mort de son auteur. Il s’agit du ‘‘journal’’ que Barthes tient sur des feuillets au lendemain de la mort de sa mère. Ce texte, strictement fragmentaire, est placé par Barthes dans une chemise, et il est intitulé par ses soins ‘‘Journal de deuil’’.

Le statut problématique de ce texte a provoqué lors de sa publication, par delà l’accueil extrêmement positif de la critique et du public, un certain nombre de réactions hostiles de la part de proches de Roland Barthes, essentiellement de la part de François Wahl, dont on connaît la place d’éditeur dans les années 60-80, dans le champ des sciences humaines et notamment celui de la psychanalyse. Texte posthume, texte problématique, texte sur la mort, texte-tombeau d’une figure féminine, la mère, le Journal de deuil pose des questions fondamentales au geste même d’écrire, d’écrire la mort.


Eric Marty est professeur de littérature contemporaine, écrivain et critique. Il est responsable de la publication des Œuvres complètes de Barthes. Il est l’auteur de Roland Barthes, le métier d’écrire, Seuil, coll. Fiction & Cie, 2006.                  ………….  »

Première déception. Je croyais que le Collège de France garantissait la qualité de ses produits : Que du définitif, jamais pensé-jamais dit et jamais à redire, du travaillé profond, que du joyau unique, du chef d’œuvre irreproductible. Hélas, voilà qu’Eric Marty, à l’inverse de ces artistes du Showbiz qui font spectacle au petit pied dans quelques campagnes profondes avant d’offrir aux parisiens pâmés, tous plâtres essuyés, l’acmé de leur talent, fait son galop d’essai chez nous, petit échauffement, loupés éventuels, stage préparatoire. Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, moi, si j’étais Antoine …

Bon, tant pis. Voyons voir ….

Deuxième déception. Car je le reconnais, Marty. Lorsque ce grand hâbleur de Claude Lanzmann arriva l’an passé pour occuper l’estrade, il était déjà là, discret faire-valoir qu’étouffaient les clameurs du vieux lièvre venu de sa Patagonie. Pas un grand souvenir d’ailleurs, cette séquence.

Aïe, jamais deux sans trois ….

Et effectivement, trois quarts d’heure plus tard, quand Compagnon prend le relais pour les minutes convenues de questionnements dilatoires, moi, je n’attends plus rien, que la cloche de fin de cours.

J’avais lu l’an passé, avec soin, poussé par l’émotion d’orphelin barthésien d’Antoine Compagnon, Journal de Deuil et Chambre Claire (La). Aurais-je dû relire ? Chez moi le temps, comme la mer les pas des amants, efface sur le sable du souvenir les paragraphes désunis. Ma mémoire est friable, toutes les œuvres s’y délitent, et Barthes est déjà loin, en ses deuils publiés. Une vague impression d’arnaque, trop peu de mots par page, on m’a vendu un fromage éditorial plein de trous, et puis en insistant, quand même, sur la fin, peut-être une émotion, et peut-être du vrai.

Qu’espérais-je ici, en venant ? Qu’on m’explique ? Compagnon en avait parlé, mais Compagnon, c’est Compagnon et puis il était impliqué, Barthes avait dit A.C. et cela suffisait pour que tout en fût perverti et l’objectivité éteinte. En tout cas, soupçonnée.

Le thème était intéressant. Abscons, aussi : La littérature et le droit à la mort. Cela faisait un peu : Littérature et Euthanasie. Bizarre. Enfin …

Bon, écoutons Marty. Où sont mes notes ? Ah ! Les voilà... C’est tout ?  D’un autre côté, c’est dans l’esprit de l’exposé, qui pose des questions et qui marque des bornes :

Que dois-je faire ?

Que m’est-il permis d’espérer ?

Que m’est-il (essentiel, dit E.Marty) possible d’écrire ?

D’où le fragment, les fragments, comme impossibilité de tout dire.

J’en suis là : Notes très fragmentaires ! Distraction ? Mais non : Bon élève. Ça fait mieux qu’auditeur assoupi.

On commence : Peu dire, afin de ne pas tout dire … Ah …

Et d’emblée revoici Blanchot, de son prénom Maurice. Une forte propension à jouer la Statue du Commandeur, Blanchot. On le croise chez Compagnon, on le recroise chez Louette et voilà que huit jours plus tard il s’est invité chez Marty. Pique-assiette ? Il a l’ambition noble quoi qu’il en soit, Blanchot, un peu mythologique aussi, et égoïstement transsexuelle, il veut mourir en Eurydice afin de survivre en Orphée… Tout un programme. Mais ce serait une duplicité, où s’immerge La Chambre claire, avec cette mère redevenue enfant dans le cliché non montré et avec Barthes-Orphée qui la ramène à la lumière ….

Du tout de la mère au rien de l’écriture, dit Marty. Et puis cette phrase ultime de la mourante : Mon Roland, mon Roland, tu es mal assis et lui qui répond Je suis là. Passage sans doute admirable – je ne galèje plus – d’amour maternel et extraordinaire élan  qui dit au fond tout. Possessif terrible aussi, et dont Barthes ne savait sans doute pas sortir.

Eric Marty fait le rapprochement avec  Mallarmé bâtissant lui aussi en 220 feuillets (Barthes, c’est 330) un tombeau pour son fils Anatole, mort à huit ans.

Remarque - Complément:  *** On trouve sur Internet et sous la signature de Laurie Laufer, psychanalyste, Maître de Conférences à Paris VII, une brève analyse de Mallarmé qui semble très largement recouper les propos d’Eric Marty :

« En 1879, Mallarmé se heurte au non-sens de la mort de son fils, Anatole. Dans ‘‘Pour un tombeau d’Anatole’’, le poète, réduit au silence par l’horreur de ce réel, lui qui se dit pourtant ‘‘parfaitement mort’’, tente dans cette expérience poétique l’écriture de la disparition. Mais comment écrire l’arrachement et la douleur du deuil de l’enfant, cette surdétermination de l’inachèvement ? Tout se passe comme si écrire l’inachèvement, l’impossible deuil, revenait à circonscrire le trou, le vide et le manque. Toute écriture du deuil ne serait-elle pas par son énonciation même le symptôme de la disparition de soi, fragments d’écriture, écriture fragmentaire qui dit l’impossible à dire ? Tout se passe comme si pour écrire le mort, Mallarmé devait être déjà le disparu de cette expérience » ***

Deux mots de Saint Augustin, de la mort de sa mère Monique. Dans le chapitre des Confessions qu’il y consacre (VII, livre IX), Augustin escamote les circonstances (‘‘Je tais maint détail car je veux aller vite’’) pour donner en oraison funèbre d’une longue et sainte vie la narration détaillée d’une vétille : sa mère fillette chargée d’aller puiser le vin à la cuve et en buvant une larme, puis peu à peu une petite coupe, jusqu’à ce que la réflexion insultante (ivrognesse !) d’une servante lui fasse honte et la remette dans le droit chemin. Fable de petite morale, tout entière à la gloire de la sagesse du Seigneur, et qui ne contribue pas à rendre Augustin endeuillé sympathique. Apparemment fort goûteux néanmoins (Compagnon, tout à l’heure, renchérira !). Qualis materna erat, m’a-t-il semblé entendre, mais je ne promets rien, Marty s’élançant en latin. Avec cette conclusion que les grandes passions se réduisent à des détails. De cela, je conviens.

Tant qu’à latiniser, nous voici avec l’illéité de Levinas, nous troisième-personnisant (Alain Delon est semble-t-il très fort, question illéité) et Barthes ciceronnant : Memento illam vixisse (Souviens-toi que celle-là a vécu), dans le mystère de ce ‘‘elle’’ et dans cette question : Que signifie, profondément, devant cette morte, l’énoncé ‘‘Elle ne souffre plus’’ ? Qui donc, ne souffre plus ? Effectivement.

On termine (enfin, je termine) sur deux ou trois ou quatre notations lapidaires et incoordonnées.

Penser la mort de sa mère, c’est penser lettre pour lettre / l’être pour l’être  sa propre mort, dit Barthes, qui s’en va désormais avec le chagrin, comme une pierre à [son] cou. Et l’on tournicote autour de l’image de la pierre, et du chagrin, terme que Barthes préfère à deuil, trop chargé d’émotivité. Et nous voici parlant d’Orient (j’ai dû perdre le fil, d’autant que je déchiffre en outre dans mes gribouillis, sans contexte, un Proust des plus inquiétants), d’Orient Grec  et d’Orient Hébreu (ce qui me rappelle, je sais, c’est idiot, une blague paraît-il classique et qu’a bien dû  raconter jadis Georges Frèche à Laurent Fabius, celle du rabbin qui s’écrie : Dieu soit loué, mais si possible, pas trop cher), d’Orient Arabe et d’Orient Russe (ce qui fait pour finir un conseil de lecture : Tolstoï et Le père Serge. On s’y conformera). 

Et le mot de la fin (tout du moins dans mes notes) en latin, Sitio (J’ai soif), prononcé par  Jésus expirant sur la croix.  Ce qui me laisse dans une incertitude conclusive forte quant aux leçons réelles que je pourrais avoir tirées de tout cela. Un journal de deuil, ça se lit. Ça pourrait d'ailleurs se relire… Mais peut-on dire la douleur ? On peut s’y essayer, façon de moins souffrir. On ne cesse d’ailleurs de le faire. Quand on est écrivain, on l’écrit. Et quand c’est écrit, on le vend. Et comme on l’achète, on le lit. Et comme on l’a lu, on en parle. Mais de quoi parle-t-on vraiment ? Là, Marty a tourné autour. Il a trop fait, m’a-t-il semblé, dans le « à propos de ». Où était Barthes, là-dedans ? Et où était le sens du texte ?… Et pour finir par le commencement, la quête d’élucidation, que veut dire dans ce contexte cette histoire de « droit à la mort » ?   Je ressors de l’intitulé comme d’une coquille vide.

J’abrègerai les souffrances de l’échange qui a suivi.

Le chagrin comme une pierre, la conquête du degré zéro du tout dire moderne et puis Montaigne, of course, Compagnon speaking, écrivant fragmentairement sa vie.

L’ellipse comme figure centrale des Essais (Marty à la relance) et dès lors un refus du discours long proche de Barthes, avec une resucée de duplicité signée Blanchot (Ah ! Maurice, que tu nous en fais voir !).

Et cette facilité offerte par Compagnon, facilité pour l’écrivant, s’il veut être écrivain : Qu’il mélange tout simplement les dates. Car Antoine l’a dit : Le déplacement chronologique fait littérature. Wouaouh !!

On cause un peu transgression-pas transgression, filiale ou maternelle, on entend Genet, Proust, on dit « Il n’y en a que pour la mère », on dit que La Chambre Claire, c’est le roman qu’il voulait faire (Roland B.), et que le projet Vita Nova, qui voulait inclure le Journal de deuil, s’est retrouvé ipso facto nié, mort-né, puisque La Chambre Claire est déjà au-delà.

Et puis on dit, dans un silence embarrassé de débatteurs lassés : Bien.

C’est une variante de : Bon, émis dans des bruissements agacés d’auditeurs épuisés

Et quoi qu’il en soit, c’est fini.

J’ai sans doute beaucoup trahi. Mais si vous y étiez …

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Commentaires
S
Merci.<br /> Pas étonné.<br /> A suivre ...
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N
C'est beaucoup dire que Compagnon me plait.Je regrette infiniment vos commentaires et vos notes perso sur son cours.Vous ne perdez rien,il se traine,se pinçant 40 à 50 fois lenez par séance et faisant mine de se lever ce qui n'arrivera jamais,répète au moins 3 ou 4 fois les mêmes idées (ex: les 3 types de témoins, l'ignorant le sage et l'entre-deux)N'énonce aucune idée bien neuve sur Montaigne- et surtout aucune idée perso.Seule nouveauté il a appris à cliquer (ce fut difficile la 1° fois!.Pour ce que vs avez dit des séminaires je suis tt à fait d'accord avec vs. Merci je lis régulièrement votre blog, c'est très enrichissant
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S
Voilà, du coup, le passage me revient en mémoire.<br /> Merci pour votre écoute plus attentive que la mienne. Je réentends quelques phrases, enregistrées sans doute automatiquement. Mais c'est quasiment de la mémoire ... involontaire!!<br /> Je vais sécher la semaine prochaine.<br /> Je viendrai écouter Ph.Forest. Je suis en train de lire son prix Femina du premier roman de 1997, "L'enfant éternel", à titre de mise sur orbite. Triste. Ce n'est d'ailleurs pas un roman.<br /> J'espère que Compagnon himself continue à vous plaire. <br /> Amicalement.
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N
c'était simplement pour dire que Proust parlait de chagrin lorsqu'il évoquait la mort de la grand mère et ne prononçait pas le mot deuil qui serait un terme créé par les psy impliquant l'oubli. Suivi de la remarque banale que les sociétés sages ont extériorisé le deuil alors que la notre le nie
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