Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mémoire-de-la-Littérature
3 janvier 2009

Zweig versus Stendhal …

J’ai donc rapidement lu (donc, parce que j’en ai l’autre jour évoqué l’existence) le petit bouquin de Stefan Zweig intitulé : Trois poètes de leur vie – Stendhal, Casanova, Tolstoï.

En fait, je n’ai lu , outre la préface (datée de Salzbourg, 1928), que la centaine de pages consacrées à Stendhal.

J’ai été médiocrement intéressé – il faut dire que j’ai des a priori et que, sur la lecture de quelques uns de ses ouvrages les plus connus, Amok, La confusion des sentiments, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme … je ne suis pas parvenu à prendre Zweig pour le « grand écrivain autrichien, psychologue et moraliste profond» qu’on nous vante. Aurais-je dû insister ?

Pour ce qui est, revenons-y, de cet essai sur Stendhal, ce qui me préoccupait, c’était l’angle d’attaque à découvrir, rapprochant le titre de Zweig (… poète de sa vie) de l’intitulé des leçons de l’année de Compagnon, où Stendhal est en bonne place : Ecrire la vie. Cela dit, la liste des intervenants aux séminaires à venir et des contenus qu’ils ont retenus (un aimable correspondant m’en a signalé l’apparition sur le site du Collège de France et j’y suis allé voir) donne quelques éléments de réponse, et  l’affaire me semble-t-il va davantage être tirée du côté de l’autobiographie ou de l’autofiction, du témoignage, que de ce que Jean Rouaud, intervenant du 17 mars a retenu : L’invention du réel. Sauf à être persuadé, ce qui n’est pas loin d’être mon cas, que c’est la même chose.

Pour information, ladite liste : Séminaire

Témoigner

Les mardis, à 17h30

6 janvier 2009
Premier séminaire
13 janvier 2009 Témoigner au siècle des Réformes : le témoin et le martyr
Franck Lestringant, Université Paris IV - Sorbonne
20 janvier 2009 Témoin de soi-même ? Modalités du rapport à soi dans les Essais de Montaigne
Bernard Sève, Université Lille III - Charles de Gaulle
27 janvier 2009 Stendhal. Journal et lettres de Russie
Mariella Di Maio, Université Roma III
3 février 2009 Les mémorialistes sont-ils de bons témoins de notre temps ?
Jean-Louis Jeannelle, Université Paris IV - Sorbonne
10 février 2009 Les Mémoires inachevés de Germaine Tillion
Tzvetan Todorov, CNRS
17 février 2009 Proust, la mémoire, la Shoah
Henri Raczymow
24 février 2009 L’art témoin ou complice de l’immonde ? L’aporie des avant-gardes
Jean Clair, de l’Académie française
3 mars 2009 Ceci n’est pas une autobiographie
Annie Ernaux
10 mars 2009 Témoignage et écriture
Jacques Rancière, Université Paris VIII - Saint-Denis
17 mars 2009 L’invention du réel
Jean Rouaud
24 mars 2009 Sur Shoah
Claude Lanzmann et Éric Marty, Université Paris VII - Diderot
31 mars 2009 Dernier séminaire

Mais, laissant de côté cela, ce qui m’a surtout frappé, chez Zweig parlant de Stendhal, c’est le venin, lorsqu’il en fait le portrait. Certes, l’alacrité de la plume stendhalienne, son aisance joueuse et indolente, ses réussites, sont soulignées, mais quelle charge contre l’homme ! Quoi qu’il en soit de l’exactitude des faits rapportés, le ton frappe, qui tient à souligner et à  re-souligner un égoïste forcené, insoucieux de tout ce  qui n’est pas son plaisir, plagiaire éhonté construisant son Histoire de la peinture en Italie et autres petits ouvrages plus ou moins alimentaires sur la compilation, devenue recopie moyennant l’addition de quelques anecdotes, de travaux antérieurs, spécialiste du congé de maladie de trois semaines transformé de fait en absence de trois ans, laissant à un besogneux délégué qu’on fait gratifier d’un ruban parce qu’on est cousin du comte Daru proche du pouvoir toute la charge de  son poste, etc.

Zweig s’applique à construire un personnage aussi antipathique que possible avec une constance qui fait plus que douter de son objectivité. Étonnant. Une aigreur de pédant de collège devant la réussite d’un dilettante doué. Oui, étonnant.

Sinon ? Sinon, je me demande une fois de plus quelle est la portée utile de ces essais critiques qui finalement ne parviennent pas – évidemment - à rendre le goût de l’œuvre commentée et badigeonnent d’affirmations définitives une expérience de lecture qui ne se partage pas. On peut, et dans l’édition dont je dispose des Souvenirs d’égotisme et de la Vie d’Henry Brulard que je finis de parcourir, les notes riches de Béatrice Didier en sont un bon exemple, éclairer les clés du texte, resituer les événements, fournir un biographie parallèle neutre de l’auteur, indiquer une variante. Mais peut-on raisonnablement, fût-ce en y mettant davantage de formes, proclamer  raisonnablement: « Regardez comme c’est bien (ou  beau) ! » ? On est sensible au texte ou pas, l’intelligence s’enchante du dialogue qu’elle développe avec l’auteur ou pas, mais tout ça est intime, et de fait incommunicable. On peut conseiller de lire. Et plus on le fera lapidairement, plus vite le conseillé pourra s’exécuter, au lieu que tartiner sur les vertus d’une œuvre, c’est aussi faire obstruction à son approche.

Dans les années soixante, ma jeune épouse préparait le CAPES de Lettres classiques et avait eu à commenter pour la Faculté La Fontaine, Le coche et la mouche. 

Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,

Et de tous les côtés au Soleil exposé,

Six  forts chevaux tiraient un Coche.

Et nous étions là, tous deux , à contempler ce début de fable et à nous battre les flancs pour trouver que dire d’intelligent, pour commencer, sur ces trois vers , quand nous avons été pris d’un fou rire tant la sottise de l’exercice nous est apparue, et la vanité de tout commentaire face à l’évidente réussite d’une concision toute d’élégance  efficace et ramassée. C’était, éternellement, Borges et Pierre Ménard réécrivant le Quichotte.

Stendhal nous parle et nous met dans sa poche ? Et bien oui.

What else ?

Retournons le lire, et savourer.

Publicité
Publicité
Commentaires
S
Et oui, beaucoup de gens même, semble-t-il apprécient Zweig. Que voulez-vous, il y a toujours un champ où on se retrouve le mouton noir.<br /> Car, intraduisible? Oui, peut-être... On peut toujours avancer cette excuse (pour excuser Zweig, j'entends). Je n'y crois pas trop.
Répondre
B
Mes amis germanistes apprécient Zweig. Peut-être est-ce un de ces écrivains au fond intraduisibles?
Répondre
Mémoire-de-la-Littérature
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Publicité