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Mémoire-de-la-Littérature
24 juin 2009

LA VIE MENTIE

Un récit de vie, ou au moins d'une tranche de vie, encore ...

(Cette chronique a été également mise en ligne sur AutreMonde)

Roman de Michel Del Castillo – Fayard éd. – 22 euros 

J’ai oublié cette fois l’auteur du conseil qui m’a fait acheter  ce livre. Un article peut-être ?

Ce n’était pas un bon conseil !

J’avais dû lire au moins deux livres de Michel del Castillo (c’est peu, il est plutôt prolifique) : Tanguy (qui l’a sauf erreur fait connaître) et La Nuit du décret. Le premier était attachant et j’avais beaucoup aimé me semble-t-il le second. Il date de 1981. J’ai sans doute pas mal changé depuis. Ou lui. En tout cas, là, je n’ai pas accroché. Du tout.

Psychologie de bazar, m’a-t-il semblé, autour des interrogations morales et culpabilisées d’un trotskiste de mai 68 reconverti en cadre supérieur spécialisé dans le coaching et la com’ et qui se pose des questions existentielles de café du commerce autour de thèmes resucés dont il ne renouvelle aucun des aspects : mondialisation mal assumée, nausée boboïste, société du spectacle, hydre du mensonge généralisé, java des égoïsmes nantis, effacement des vraies valeurs, vanité des agitations sociales etc. , dans un mixte très appauvri de velléités houellebecquiennes et de recul beigbedérien

Guère passionnant. Pour dessiner ses interrogations hésitantes et ses balbutiements philosophiques sur des arrière-plans historiques, Del Castillo rebâtit une Espagne de pacotille, toute en mythes hautains et en tango cambré, accumulation convenue de ces fantasmes éculés qui glorifient la raideur orgueilleuse des pères (et ici, plutôt, des grands-pères) et dont la figure éminente, qui court du début à la fin du roman, est Miguel de Unamuno.

Notice du Robert (Édition 1975) : 

Philosophe, poète et dramaturge espagnol (Bilbao, 1864 – Salamanque, 1936). Déporté aux Canaries, puis exilé à Paris en raison de ses positions politiques (1924), il fut, à son retour en Espagne (1930), l’un des inspirateurs spirituels du régime républicain  dont il devait dénoncer  les erreurs avant de mourir.

Profondément individualiste, refusant toute étiquette et hostile à tout dogmatisme, il a exprimé une pensée inquiète, attentive à la réalité de l’homme concret, ‘‘ celui qui naît, souffre et meurt – meurt surtout […]’’, aussi bien dans ses essais  philosophiques (Vie de Don Quichotte et de Sancho Pança, 1905 ; Le sentiment tragique de la vie, 1912 ; L’Agonie du christianisme, 1925 ; etc.) que dans ses romans et conte (Paix dans la guerre, 1897 ; Brume, 1914 ; Trois nouvelles exemplaires, 1920), son théâtre (Phèdre) et ses poèmes (Le Christ de Vélasquez, 1920).

Sans jamais avoir imposé une doctrine, il exerça une profonde influence sur les milieux intellectuels espagnols.

Le seul intérêt des romans médiocres mais documentés, c’est éventuellement qu’ils fournissent des pistes de lecture. Je ne connaissais d’Unamuno que le nom. Il me reste, de l’apologie militante de Del Castillo, l’idée qu’il pourrait n ‘être pas superflu d’en lire un peu …

En tout cas il est là, Unamuno, statue du commandeur et référence inflexible autour de quoi inventer les ascendants du héros, cet accablé de réussite sociale et de mensonge généralisé au sein d’une société de l’argent-roi dont il cueille les fruits et soupçonne le néant en se bâtissant des antériorités aux exigences morales écrasantes, résumées par la figure de Véra, sa grand-mère, veuve inconsolée de Rafaël, élève préféré du Maître, qui ne se pardonne pas plus un moment de faiblesse qu’elle ne lui en fait grâce, qu’elle pousse et accompagne vers la torture et la mort pour qu’il s’en puisse laver . Ces héroïsmes épuisants me laissent toujours indécis.

Sinon ?

On ne croit guère, me semble-t-il, aux personnages et parfois, le roman de gare n’est pas loin. Les figures sont si stéréotypées qu’on ne peut ici ou là qu’en sourire ; un patron-à-l’esprit-fin-mais-à-la-sexualité-grasse, un ancien-camarade-ex-normalien-supérieur-ex-meneur-de-soixante-huit à la lucidité aiguisée et au talent fou, un gentil-homosexuel-infirmier-dévoué, etc. Fatigant.

L’intrigue se développe, on en suit les péripéties, mais les caractères qui la meublent sont trop  schématiques, on est plus proche du journalisme des idées reçues que de l’analyse psychologique : Salvador (le héros) mène brillamment le sauvetage médiatique d’une affaire mal embarquée de grands patrons lorrains cumulant délocalisation, plan social et gros bénéfices en même temps qu’il s’interroge sur son couple (qui cahote accompagné de libertés sexuelles extra-conjugales ‘‘d’époque’’ où l’on relève par exemple un amant de Madame beau-médecin-athlétique-et-bronzé comme dans Nous Deux) et sur sa lignée (son père, Gonzalo, dont il va tardivement découvrir qu’il a injustement méprisé la dimension humaine tant elle a été écrasée par les figures immenses de Véra et de Rafaël), tout ça pour larguer in fine les amarres et partir rechercher, dans une Espagne de recours, loin des bruits du modernisme et des sonorités creuses des vacuités parisiennes, quelqu’improbable rédemption…

Je reprends une idée esquissée en commençant : c’est au fond du Houellebecq en Bibliothèque Rose… L’affaire sera vite oubliée. Reste éventuellement à faire ce que j’ai dit : aller voir un peu du Miguel de Unamuno dans le texte.

   

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