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Mémoire-de-la-Littérature
3 février 2010

Séminaire Compagnon du 2/2/2010

"La main extime de Sartre"

JFLouette

Jean-François LOUETTE, chargé du séminaire est à gauche sur la photographie (source : Internet). Il avait aujourd’hui la tenue moins ‘‘British’’.

Professeur à la Sorbonne.

Parcours extrêmement brillant avec départ sur les chapeaux de roue (Major ENS Ulm).

Spécialiste de Sartre : …met actuellement la dernière main à une édition dans la Pleïade

Dans sa présentation, Antoine Compagnon évoque aussi Bataille et Drieu la Rochelle

Je n’avais pas remis les pieds au Collège de France depuis la cuvée Compagnon 2009.

J’inaugure en ce Mardi 2/2/2010 un effort qui devrait se limiter à quelques séminaires.

Le très gros avantage de la méthode, c’est qu’on peut se contenter d’arriver à l’heure ! Début à 17h30 ? Et bien, soyons là à 17h29. Il suffit d’une poignée de défections que l’on voit quitter  l’Amphi Marguerite de Navarre, tout cours d’Antoine Compagnon bu, pour se glisser dans la salle et trouver sans difficulté un confortable emplacement. Apparemment, il continue à faire recette, Antoine, et renouveler l’assiduité des années précédentes, c’eût été s’imposer de nouveau d’arriver à 15h30 pour le cours de 16h30. J’ai décroché. Peut-être les enregistrements, quand ils seront en ligne ? Peut-être…

Là, je venais pour Sartre. Avec l’envie d’écouter, d’abord, et la ferme intention de ne pas prendre, ou presque pas, de notes. Les recensions exhaustives ne me semblent plus que décourageantes.  Quelques articulations saisies à la volée et quelques notations d’humeur, ce sera suffisant.

Jean-François Louette est clair, pédagogue, parfait.

On évoque Sartre, ses réserves et réticences constamment renouvelées quant au récit de soi. Quelques formules volent, audacieuses, ainsi de ‘‘se confier’’ qui pourrait n’être pas si loin de ‘‘se conchier’’.  Oh ! Shocking (Voir Photo)…

On entend dire Brunetière (Ferdinand) et Bourget (Paul), et la littérature (trop) personnelle comme incivile, et le Journal intime comme aveu et signe d’une pathologie. On entend dire Thibaudet (Albert), et quelques assertions :’’Moins on écrit au plus près de sa vie, plus on est créateur’’ ou bien, ‘‘L’autobiographie, c’est le roman de ceux qui ne sont pas romanciers’’ … Dabit (Eugène) passe, dérangement intestinal : ‘‘Le Journal (intime) comme une diarrhée’’. Diable !

Il a pourtant écrit, Dabit,  un roman autobiographique (Petit Louis – 1931) et tenu de 1928 à 1936 un Journal intime, publié après sa mort (n.d.l.r.). Chacun a ses contradictions.

Sur la question du Temps : Sartre comme anti-Proust. Oui. Bon. Le passé (la mémoire involontaire) venant illuminer le présent chez l’un, quand c’est le présent qui donne sens au passé, pour l’autre.

Digressif: Jean-François Louette tient (deux fois) à utiliser la construction :  Se railler de ( ?). J’ai cru à une confusion avec ‘‘se moquer (ou gausser) de quelqu’un’’ et hurlé à la faute. Railler est transitif, un point c’est tout. Et bien non :  depuis, j’ai consulté le Grand Robert. Mea maxima culpa. On trouve un peu de tout, en tournures vieillies. Au XVII° siècle, railler est intransitif chez Voiture (‘‘Dans les triomphes, les soldats ont accoutumé de railler avec  leurs empereurs’’) et pronominal chez Molière (in Impromptu de Versailles). Citation de Musset  au XIX° : ‘‘Se railler de la gloire, de la religion, de l’amour, de tout au monde, est une grande consolation pour ceux qui ne savent que faire ?’’ (in Confessions d’un enfant du siècle). JF Louette : disculpé ! Coquet, néanmoins ?

On en vient à l’extime. 

Après un tour chez Thibaudet  qui oppose déjà l’intime (Montaigne, Amiel) et l’extime (Barrès dans ses Cahiers), on nous annonce les cinq dispositifs extimes de Sartre :

L’obliquité : se peindre en biais, dans un coin du tableau, ce que fait Sartre en 1960-61 lorsqu’il écrit sur Nizan, sur Merleau-Ponty. Ce qu’il fait aussi via l’ironie dans  Les Mots.  Ou en se plaçant dans une perspective de pré-mort  quand il rédige, soldat, les  Carnets de la drôle de Guerre.

L’altérophilie ( !): ne pas écrire pour soi, mais pour l’autre, pour Beauvoir (Carnets de la drôle de Guerre), pour Nizan, pour Merleau-Ponty (fussent-ils morts). Et Les mots ? Pour sa mère ? Pour Nizan ?

L’extraversion : ou comment faire de l’universel avec du singulier, faire du vécu un témoignage, un reportage en direct, une façon de s’engager.

Le recours à la philosophie : la mise en forme comme essai de méthode

L’autocritique : faire le procès de soi.

Et ce doute, finalement : Et si tout ça n’était qu’un leurre ? Avec soupçon de complaisance dans la fureur à refuser de se complaire en la peinture de soi-même. Pirouette finale, dérobée à Sacha Guitry, d’un Sartre au bout du compte écrivant contre soi, oui mais, tout contre soi ?

Ce sont là quelques miettes d’un exposé fort bien construit, structuré et intéressant, de 45 minutes. Le sentiment, néanmoins, d’avoir peut-être espéré autre chose, une analyse plus près des textes, critériant mieux qu’en assertions subjectives ou référencées (X, Y , Z  ont dit que …) le distinguo intime/extime. Mais c’est un sentiment assez confus, une frustration un peu vague, une impression d’inachevé, l’envie peut-être simplement, d’une définition liminaire. De l’extime comme art d’être là pour autre chose que soi-même ?

Dans l’intime, Je se regarde. Dans l’extime, je vois ce que Je regarde et je le regarde regardant ?

Mouais …..

Restaient quinze minutes à tuer. On en tua fort bien quatorze.

Petit topo de Compagnon : Et Blanchot ? Et Stendhal ? Curieux, isn’t it, par ailleurs, que les contempteurs officiels du Journal intime ne condamnent jamais Stendhal, tout égotisme en bandoulière ? Et Barrès ? Bien sûr honni pour son Culte du moi, mais dont les Cahiers en signeraient plutôt le renoncement, jusqu’à cette provocation : Barrès, modèle de l’extime ?

Pour Blanchot, Compagnon se fait renvoyer dans les cordes : Blanchot, c’est 1953 ou 1954, trop tard  pour interférer avec Sartre . Et puis les propos de Blanchot sont  ‘‘trop méchants pour être intelligents’’.  Louette n’a pas dû aimer le ton un peu « devriez-songer-à-ajouter-ça-dans-vote-introduction-de-la-Pléïade-mon-petit » de Compagnon.

Barrès ? … C’est la cible évidente de Sartre dans L’enfance d’un chef (Le mur). Pas sûr que Sartre ait lu les Cahiers. Aucune allusion. Jamais. Nulle part.

Stendhal ? C’est l’écrivain favori de Sartre. N’en a pas parlé ? Idée reçue au fond, même quand elle est colportée par Michel Contat (et vlan, prend ça… Michel Contat était dans le jury lors de l’Habilitation à diriger des Recherches en Lettres Modernes de JF Louette en 1994. Ces universitaires sont sans pitié…(n.d.l.r.)) dans la mesure où il a bel et bien écrit – peut-être une cinquantaine de pages – sur lui … mais le manuscrit s’est perdu. [Peut-on articuler une argumentation sur des ouvrages disparus ? C’est Borges soutenant que les plus grands romans sont ceux que l’on n’écrit pas. Ben voyons … (n.d.l.r.)]

Soucieux de ne pas laisser le « se confier / se conchier »  introductif de JF Louette sans réponse, Antoine Compagnon place Montaigne en flèche du Parthe, qui parlait des Essais comme ‘‘excrément d’un vieil esprit’’. Sur quoi, la séance est levée.

Toujours ce sentiment d’incomplétude, au fond, pour moi. Un – même bref - échange de spécialistes ne devrait pas s’installer comme s’ils en avaient quatre cents autres devant eux dans l’amphi. Il ne faut pas rester dans l’implicite. Tout le monde n’a pas tout lu. On est restés trop loin de Sartre textuel. J’aurais, je crois, préféré – au fond, c’est sans doute ce que j’attendais, d’autant qu’en cette année Camus, et avec Les mots comme pendant du Premier homme, il y avait densité du matériau pour éclairer intime/extime – cela : de l’analyse tranquille de texte, d’un texte, une analyse précise, fouillée, éclairée par le miroir d’un autre. Ce n’était sans doute pas le sujet. Et, peut-être, eût-ce été trop long.

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