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Mémoire-de-la-Littérature
12 octobre 2012

Qualité de la Science française: les 30 ans de QSF

Collège de France - Vendredi 5/10/2012

Amphi Budé

miniature    Laurent Schwartz       Antoine Compagnon      Journée de réflexion sur le thème: La vocation de l’Université…

Informé un peu par hasard de la tenue de cette journée, je m’y suis rendu (entrée libre) d’autant plus volontiers qu’elle était articulée autour de brefs exposés dont plusieurs, par leurs thèmes, m’intéressaient. A part cela, je ne savais rien de cette association QSF (http://www.qsf.fr), fondée en 1982 sous l’impulsion de Laurent Schwartz, et dont Antoine Compagnon fut président en exercice avant d’en devenir l’un des deux présidents honoraires. Il ouvrait d’ailleurs la session et devait assurer l’un des exposés.

La tonalité générale des interventions m’a semblé tirer la réflexion vers des prises de position extrêmement réservées (c’est-à-dire négatives) relativement aux effets « universitaires » de la massification (incontrôlée) de l’enseignement. C’est l’intervention de Gesine Schwan (venue spécialement de Berlin) qui m’a semblé prendre la question avec le plus de hauteur en essayant de dessiner des objectifs de formation donnant à la culture générale une place éminente et fondatrice.

Gesine_Schwan  ... version taquine, à droite. G_Schwan D'accord, c'est potache, mais sans méchanceté. Gesine Schwan est charmante.

Rapidement :

Exposé d’André Guyaux (Paris-Sorbonne) – La collégialité, son sens et sa place … dans l’église. Puis, plus généralement … Une question posée soulignera le distinguo à opérer entre l’élection collégiale d’un chef (le pape, primus inter pares) et l’élection collégiale d’un collègue, d’un pair. Brève polémique avec Antoine Compagnon sur la date d’un texte (cité) de Renan. Peut-être sa Lettre au sujet de la loi sur l’enseignement supérieur publiée dans le Journal des débats, le 9 juillet 1875? Antoine Compagnon semble avoir le dernier mot.

Bref exposé, tonique, d’Olivier Beaud (Panthéon-Assas) – Il plaide en faveur d’un savoir “pour le savoir” et décoche quelques flèches aux directeurs des Grandes écoles auxquelles il dénie le droit de se dire universités. Il affirme qu’il n’y a pas identité entre enseignement supérieur et université. Il souligne l’incompatibilité de la vocation exigeante et première de l’université: faire progresser le savoir, et de tout objectif de massification de ses publics.

Antoine Compagnon présente des statistiques  … américaines dans un survol de l’enseignement supérieur aux USA. Il affiche des textes à l’écran, en “américain”. Il les lit vite, avec son (piètre, fussé-je pire) accent usuel (toujours aussi étonnant), et comme j’ai par ailleurs la compréhension un peu lacunaire … Au passage, cet usage de dire les alumni pour désigner les anciens étudiants, les anciens élèves d’une université. On apprend qu’un terme qui fait fureur en ce moment outre-atlantique (Antoine Compagnon revient de New-York) est l’acronyme “mooc” (massive open online course). Les cours en ligne (open: (provisoirement) gratuits) qui sont mis au banc d’essai rencontrent un énorme succès. Spécificité américaine qui date de la sortie du second conflit mondial: l’enseignement supérieur est perçu comme un investissement, on n’hésite donc pas à emprunter et l’énormité de la dette étudiante est un réel problème économique à l’échelle du pays. Certains prennent leur retraite sans avoir achevé de rembourser.

Gesine Schwan tonne contre la tour d’ivoire du savoir pur. Elle demande la prise en compte des grands défis du moment. L’ouverture linguistique (pratiquer trois langues (au moins?)) lui paraît nécessaire, comme l’ouverture théorique, à l’écoute des porteurs de connaissance non universitaires. Elle se fait chantre de la transdisciplinarité et elle évoque – très bien – la nécessité de (se) bâtir une culture générale solide, seul terreau fiable d’une aptitude à installer: la capacité d’adaptation aux aléas des exigences et des évolutions professionnelles.

François Vatin (Paris-Ouest-Nanterre-La Défense) … a souhaité développer un peu la controverse ‘‘Université versus Grandes écoles’’. J‘en retiens assez peu de choses, mais je note qu‘à propos des difficultés évidentes rencontrées par les bacheliers de tous poils en première année d‘université, l‘idée d‘un « sas » - d’une année-zéro - est mise en avant. Il n’y a là, et je le regrette, qu’une façon de considérer l’ambition d’installer une formation secondaire valable comme condamnée définitivement à l’échec. Assez déprimant, et peu en phase avec la logique - ce serait la mienne - d’une reconstruction complète du système de la formation initiale préalable à une révision du système de l’enseignement supérieur - qui serait d’ailleurs d’autant plus aisée à concevoir et à mettre en œuvre que la phase amont aurait été réussie. Cela dit, une remarque connexe souligne fort justement qu’il serait de bon sens d’envisager la mise en place d’un certificat de fin d’études secondaires distinct d’un droit d’entrée à l’Université. Personnellement partisan d’un enseignement modulaire - très modulaire - (petites unités de valeur) dès la formation initiale, il ne me paraît pas difficile de définir par cumul ciblé d’UV des profils permettant de valider une fin d’études secondaires comme de définir - et cette définition, le champ complet des UV lui étant connu, à la charge de l’université d’accueil - des profils exigibles pour l’accès à des études supérieures. Sur ce principe, les insertions dans la vie active pour ceux ne désirant pas poursuivre au-delà du secondaire pourraient également se fonder sur des exigences de profil définies par l’aval – un aval tenu informé du champ des UV, de leur contenu, voire parfois à même de peser sur la définition de certaines . La connaissance en cours de scolarité de ces deux types d’exigences paraît d’ailleurs pouvoir se percevoir comme un excellent outil potentiel de motivation et d’orientation pour les élèves.  

Denis Kambouchner (Paris I) intervient sur la formation des maîtres – Rien de saignant ou se saillant m’a-t-il semblé, sinon une forme de constat de carence de l’université, le désir de voir s’organiser clairement un pré-recrutement (ma génération apprécia les IPES!) avec intensification de l’effort de formation spécifique en licence pour dégager davantage l’horizon des masters. Il faudrait creuser. La question est essentielle. Elle n’a pas, là, été épuisée.

Christian Amatore (CNRS-ENS Ulm)  … commence par un lapsus, attribuant à Pasteur le mot de Victor Hugo dans Les Misérables: Ouvrez une école et vous fermerez une prison . Etonnante allure de grand-père et, sous l’égide d’un profil scientifique éminent, des propos de coin du feu qui (me) surprennent un peu. Il dénonce l’inculture scientifique de la société, n’excluant pas du lot les journalistes dits spécialisés qui écrivent parfois des articles dont l’équivalent historique serait le compte rendu du dernier coup de fil de Napoléon à Gengis Kahn! Il dénonce la faiblesse des rémunérations octroyées aux enseignants-chercheurs. Il déplore l’incohérence potentielle des décisions politiques, soulignant que l’arrêt du nucléaire c’est le redémarrage de la lignite et du charbon avec les inconvénients environnementaux que l’on sait. Il verse dans l’anecdote autobiographique, avec esquisse d’un portrait de sa mère (c’est toujours touchant), qui lisait Nous deux et y puisait des astuces (pourquoi ajouter un peu de vinaigre à la deuxième eau de lavage de la salade … ) dont il n’a compris qu’une fois bardé de connaissances la véritable raison. Il partage la philosophie de l’opération La main à la pâte (Charpak, Lena …) qui – mais il y a beaucoup d’a priori dans ma position – m’indispose plutôt et en l’efficacité de laquelle je ne crois guère.    

Antoine Chambert-Loir (Paris-Sud) sera ma dernière écoute. Un peu lassé, vaguement migraineux, je vais regagner mes pénates en snobant Bernard Julia (CNRS-ENS Ulm) (en fait, j’étais là pour ses deux premières minutes mais son démarrage a achevé de me décourager. La situation d’auditeur est une situation de surplomb cruelle pour les intervenants et parfois injuste. Retenir l’attention est un art souvent dissocié de la qualité des contenus, qui peuvent en souffrir) et alii (Alain Trannoy (EHESS), Louis Vogel (Panthéon-Assas), Jean-Marc Monteil (CNAM) et Jean-Claude Casanova (Institut de France)).

Pour en revenir à Antoine Chambert-Loir, je l’avais sauf erreur déjà écouté voici quelques mois lors des Journées Evariste Galois organisées pour le bicentenaire de sa naissance (celle de Galois, pas celle de Chambert-Loir) à l’IHP (Institut Henri Poincaré). Il nous a tenu en ce vendredi-QSF un discours un peu convenu (?) de vulgarisation (?) autour de la recherche en mathématiques. Je n’ai à peu près rien noté, sinon qu’il recommandait chaleureusement la bande dessinée Logicomix, consacrée à la vie de Bertrand Russell, que j’avais lue sans conviction sur les conseils d’un mien jeune parent passionné de logique mathématique et qui ne m’a pas laissé un impérissable souvenir.    

                                                             Logicomix                   

 

Y a-t-il (ai-je) des conclusions à tirer de tout cela? Guère, il faut l’avouer. Guère? Un plaidoyer général en faveur de la sélection à l’entrée de l’université. La judicieuse proposition d’instituer un Certificat d’études secondaires, porteuse d’une remise en cause drastique du baccalauréat et qui pourrait permettre de s’engager dans une rénovation réaliste des cursus du lycée. Le souhait d’un distinguo affirmé entre l’enseignement supérieur et l’université, au fond assimilée alors à la Recherche. L’affirmation de l’éminence de la culture générale et la revendication, loin de toutes les marchandisations, de la vocation première du savoir : croître et progresser, peut-être avant tout et comme disait au XIX° siècle le mathématicien Karl Gustav Jacobi, Pour l’honneur de l’esprit humain.

                                                Nimbus

Des impressions et une synthèse, évidemment éminemment subjectives ...

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