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Mémoire-de-la-Littérature
21 janvier 2009

Leçon n°3

Antoine Compagnon : Obama-Compétitif

Mardi 20/01/2009

Il entre en scène à 16h29.

Mon voisin me conteste cette minute de décalage.

Changer de montre ? Changer de voisin ?

J’aurai loisir de contrôler -  en sortant du Collège et en faisant appel à l’horloge parlante - que ma  montre avançait de quatre secondes.

Je confirme donc ce manquement itéré (cf. leçon n°2) aux usages du Collège de France !

« Je suis surpris de vous trouver si nombreux … Flottement dans les rangs … Je pensais qu’avec la cérémonie d’investiture … » Petit frisson de complicité dans l’auditoire.

Et nouvelle divergence avec mon voisin. Décidément ! Je vais en changer !

Le clin d’œil  lui a semblé modeste et sympathique. J’ai cru déceler une nuance d’autosatisfaction (interprétant un plébiscite) qui m’a irrité. 

Arrivé à 15h20, j’avais trouvé une centaine de personnes agglutinées devant les portes de l’amphithéâtre Marguerite de Navarre pour cause de cours précédent non encore achevé, piaffant d’impatience compagnonnesque et menaçant d’interdire aux sortants de sortir pour être les premières à entrer.

15h30 : ouverture des portes.

15h50 : fermeture des portes : l’amphi est plein.

Une élection de Maréchal !

Bien, allons-y, le cours commence.

Recadrage et rappels liminaires. L’ Écriture de vie et les préjugés « contre » : pour cause d’abus (Brunetière – Benda) / pour cause d’aporie (Blanchot). Positions inconciliables ? Non, convergence in fine et accord sur cette certitude  poly-énonçable: La littérature personnelle n’est pas une littérature / La « vraie » littérature est impersonnelle / Le « personnel » n’est pas encore de la littérature

Comment dès lors re-légitimer l’Écriture de vie, ou du moins comment « manœuvrer » pour s’y réinstaller malgré les interdits, comment contourner l’obstacle des préjugés ? Il s’agirait aujourd’hui, du proche chronologique au lointain, d’examiner trois stratégies.

Alain Robbe-Grillet dans Le Miroir qui revient (1983)

Roland Barthes dans Roland Barthes par  Roland Barthes (1975)

André Breton dans Nadja (1928)

De fait, seules, les deux premières démarches seront abordées. Breton et Nadja sont renvoyés à la leçon suivante (mais on nous suggèrera d’y réfléchir).

On s’étend beaucoup sur Robbe-Grillet, en le confortant un peu de Nathalie Sarraute dans Enfance (1983) et en lui appliquant cette citation de l’auteur australien Clive James qui dans Unreliable memories (1981) annonce ; « La plupart des premiers romans sont des autobiographies déguisées ; cette autobiographie est un roman déguisé »

Petite  Digression : « Cette citation m’a été fournie par courriel et par l’un d’entre vous. Vous êtes nombreux à m’écrire chaque semaine et – je plaide coupable – sans espoir de réponse. Je n’ai pas le temps, mais croyez que j’apprécie cela, et qui prouve que malgré le dispositif, l’estrade, etc.,  c’est réellement un dialogue qui s’établit …. ». La notion de dialogue à sens unique est un peu paradoxale mais il faut reconnaître que l’on ne voit guère la possibilité réelle  (voire l’utilité) pour Compagnon de se lancer dans des correspondances multiples avec son amphi. Par contre, une brève synthèse orale des « interpellations » de la semaine, livrée en début de cours, pourrait être intéressante.

Alain Robbe- Grillet, donc, dont le repli vers l’autobiographie a quelque chose d’au moins inattendu, aux antipodes du concept qu’il a contribué à installer de  « Nouveau Roman », dans lequel s’est aussi inscrite Nathalie Sarraute. Tous deux d’ailleurs en même temps qu’ils refluent vers le souvenir personnel s’en défendent, niant le reniement, écartant la palinodie.

L’une, dans l’incipit de  son Enfance, invente de se dédoubler pour dialoguer avec elle-même et s’affranchir des vils soupçons :   « Alors, tu vas vraiment faire ça ?  Évoquer des souvenirs d’enfance ?… Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux évoquer tes souvenirs …  il n’y a pas à tortiller, c’est bien ça. [ Elle ne parvient pas, dit Compagnon a assumer « raconter », et « évoquer » lui semble plus anodin, moins compromettant]

Oui, je n’y peux rien, ça me tente, je ne sais pas pourquoi …

C’est peut-être … est-ce que ce ne serait pas … on ne s’en rend parfois pas compte … c’est peut-être que tes forces déclinent …

Non, je ne crois pas … du  moins je ne le sens pas …

Et pourtant ce que tu veux faire … évoquer tes souvenirs … est-ce que ce  ne serait pas …

Oh, je t’en prie …

Si, il faut se le demander : est-ce  que ce ne serait pas prendre ta retraite ? te ranger ? quitter ton élément, où jusqu’ici, tant bien que mal … »

Compagnon parle de dialogue « conjuratoire » ou « propitiatoire ».

Il dit : Duras aussi (L’amant (1984), La douleur (1985)) a été emportée par ce mouvement de retour des « nouveaux romanciers », dans les années 80, sur leur propre vécu, et qu’ils y manifestent quelques pudeurs de témoins honteux.

L’autre (Robbe-Grillet) : « Si j’ai bonne mémoire, j’ai commencé l’écriture du présent livre vers la fin de l’année 1976, ou bien au  début de 77 … », jalon qui souligne une césure de sept ans (reprise et aboutissement en 1983) correspondant à la levée consensuelle d’un interdit (Les temps ont changé, dit Compagnon. Une expression traditionnelle est de nouveau « permise »), attitude de soumission factuelle au littérairement correct d’autant plus étonnante que le subversif et la revendication d’originalité semblaient être la marque de fabrique de « l’inventeur »  Robbe-Grillet (« Loin de respecter des formes immuables », il avait affirmé (en 1964) être bien décidé à « inventer le roman, c’est à dire inventer l’homme »).

Sans doute, dans les deux cas, on sent le malaise, et l’autojustification reste confuse, et la question se pose à peine de savoir si on a affaire à une régression ou à un dépassement. Guère d’autre issue, attitude habituelle, que de réécrire le passé à la lumière du présent. Robbe-Brillet, affirme : «Près de sept ans ont donc passé depuis l’incipit (Je n’ai jamais parlé d’autre chose que de moi) provocateur de l’époque [en fait il avait aussi écrit ce bémol : Comme c’était de l’intérieur, on ne s’en est guère aperçu. (Il parle là du premier jet du livre qu’il est en train de reprendre)] ». Évidemment. C’est une constante des « Mémoires » que de réviser l’Histoire.

Compagnon ensuite développe longuement l’argumentation plus ou moins contournée de Robbe-Grillet, dans son « positionnement » en regard d’une écriture de vie qui dit du bout des lèvres son envie d’être tout en détaillant les obstacles (voire les impossibilités) de son émergence non-mensongère.

Au passage, une remarque sur Stendhal me retient. Robbe-Grillet dit s’être remis à  (se) raconter « avec cette facilité dont parle Stendhal dans ses Souvenirs d’égotisme ». Et je crois que, commentant cela, Compagnon fait une erreur. Il dit ne pas savoir de passage où serait évoquée une telle « facilité » et en dérive alors le sens vers les nombreuses notes  dont Stendhal accompagne l’avancée de son texte et où il s’auto-félicite de sa productivité, par exemple : « 30 juin 1832, written douze pages dans un bout de soirée, après avoir fait ma besogne officielle. Je n’aurais pu travailler ainsi à une œuvre d’imagination », ou bien : « Made 14 pages le 2 juillet de 5 à 7. Je n’aurais pas pu travailler ainsi à un ouvrage d’imagination comme Le Rouge et le Noir ». De telles notes de bas de page sont fréquentes dans le manuscrit, mais je crois que ce qu’il faut en retenir et que néglige étonnamment Compagnon, c’est la distinction qui ne cesse d’y figurer entre la difficulté inhérente à la construction d’un roman, d’une fiction, et  la facilité avec laquelle, même fatigué par ses tâches quotidiennes, on ouvre la porte à ses souvenirs. La facilité ! Stendhal explicite d’ailleurs : « Je suis heureux en écrivant ceci. Le travail officiel m’a occupé en quelque façon jour et nuit depuis trois jours (juin 1832). Je ne pourrais pas reprendre, à  4 heures, mes lettres aux ministres cachetées, un ouvrage d’imagination. [Tandis que] Je fais ceci aisément sans autre peine et plan que me souvenir ». Aisément ! Elle est simplement là, la « facilité » de Robbe-Grillet : « … j’éprouve aujourd’hui un certain plaisir à utiliser la forme traditionnelle de l’autobiographie : cette facilité dont parle Stendhal dans ses Souvenirs d’égotisme, comparée à la résistance du matériau qui caractérise toute création ». C’est ça, simplement et exactement.

Sinon, et bien sinon, Robbe-Grillet se contorsionne un peu, pris dans les filets du canon narratif contre lequel il avait prétendu auparavant lutter. Il a des soubresauts : « Quand je relis des phrases du genre : Ma mère veillait sur mon difficile sommeil ou Son regard dérangeait mes plaisirs solitaires, je suis pris  d’une grande envie de rire, comme si j’étais en train de falsifier mon existence passée dans le but d’en faire un objet bien sage, conforme aux canons du regretté Figaro Littéraire : logique, ému, plastifié. Ce n’est pas que ces détails soient inexacts (au contraire peut-être). Mais je leur reproche à la fois leur trop petit nombre et leur modèle romanesque, en un mot  ce que j’appellerais leur arrogance. Non seulement je ne les ai vécus ni à l’imparfait, ni sous une telle appréhension adjective, mais en outre, au moment de leur actualité, ils grouillaient au milieu d’une infinité d’autres détails dont les fils entrecroisés formaient un tissu vivant. Tandis qu’ici j’en retrouve une maigre douzaine, isolés chacun sur un piédestal, coulés dans le bronze d’une narration quasi historique (le passé défini lui-même n’est pas loin) et organisés suivant un système de relations causales, conforme justement à la pesanteur idéologique contre quoi toute mon œuvre s’insurge ».

Et oui. Et l’écriture falsifie l’existence. Franchement, est-ce une découverte ?

Robbe-Grillet s’irrite de la fiction-falsification qui naît par sélection dans les événements d’une vie, entraînant une simplification inévitable (un appauvrissement) par convenance, en fonction des prédispositions du récit. Se retrouver à « dire ce qui convient », comme le voyageur ne voit que ce qui a été déjà vu, par le biais de lieux communs, de récits antérieurs (les découvreurs du Nouveau Monde le voyant par les yeux d’Hérodote …).

Le  phénomène obligé, inhérent à la construction du récit classique, de la sélection et de la (re)combinaison, voire où la combinaison, posée antérieurement, détermine la sélection en vue d’une narration « historique », et donc dégage des relations causales qui induisent un déterminisme, voilà qui encombre, grippe, empêche la « circularité herméneutique » (bien pompeux/mystérieux pour parler d’une revendication d’éparpillement aléatoire du sens et de réversibilité a-signifiante de l’organisation du réseau des événements) chère aux [auto-proclamés] « modernes ».

Compagnon en profite pour digresser un instant sur Emile Benveniste, référence linguistique, et le jeu des temps dans le « mensonge dialectique » du récit, évoquant l’imparfait, l’aoriste cher aux hellénistes, le plus-que-parfait, le passé prospectif ( Quelques années plus tard, il devait etc.), affirmant que si ces temps peuvent contribuer à construire le récit dans sa dimension historique, le discours, lui, est tenu d’écarter l’aoriste [dont on rappellera que le Grand Robert le définit comme « temps de la conjugaison grecque qui exprime une action passée mais en un moment indéterminé », ce qui l’assimile au passé simple qui « situe dans le passé des événements achevés » et qui « par la netteté de l’événement décrit privilégie l’aspect sur la marque du temps » (Grammaire Larousse du Français contemporain)].

Pendant ce temps, Robbe-Grillet a continué à tempêter contre  sa propre propension, soudain, à vouloir s’écrire, puisque « toute réalité est indescriptible », et que « la conscience  est structurée comme notre langage (et pour cause), mais ni le monde, ni l’inconscient ; avec des mots et des phrases, je ne peux représenter ni ce que j’ai devant les yeux, ni ce qui se cache dans ma tête, ou dans mon sexe ». Y a-t-il donc définitivement impasse, non-issue, tant « La littérature est ainsi la poursuite d’une représentation impossible »? « Il me reste », dit-il, « à organiser des fables, qui ne seront pas plus des métaphores du réel que des analogons, mais dont le rôle sera celui d’opérateurs ».

Nous revoilà, dit Compagnon, à la citation de Clive James. Assumons la falsification et acceptons la fable comme « opérateur de vérité ».

Car Robbe-Grillet y arrive : « Dans cette perspective, le projet de raconter ma vie va s’offrir à moi de deux façons différentes, et opposées. Ou bien je  m’obstine à la cerner dans sa vérité, en feignant de croire que le langage est compétent (ce qui reviendrait à dire qu’il est libre) et dans ce cas  je n’en ferai jamais qu’une vie reçue [comme il y a, dit Compagnon, des idées reçues]. Ou bien je remplacerai les éléments de ma biographie par des opérateurs, appartenant eux ouvertement à l’idéologie, mais sur lesquels et grâce auxquels je pourrai cette fois agir [des fables, des fictions,…]».

Et du coup, bien qu’ayant d’abord affirmé qu’il allait « hélas [dans] le présent ouvrage [retenir] la première méthode », il va inventer un mystérieux personnage, Henri de Corinthe, qui sera chargé d’assumer une partie de ses propres aventures, et qui, n’étant pas lui, pourra donc  partiellement l’hypostasier (si, si, j’aime bien, c’est inutile et déplorablement pédant, mais ça m’enchante, dans une obscurité de tombeau dans la Pyramide …), dispositif lui permettant de franchir l’aporie et de raconter une vie qui pour  n’être pas tout à fait la sienne, en donnera un compte-rendu possible et faussement vrai (ou faux avec véracité).

Y aurait-il une troisième voie et donc une autre solution que cette alternative ?

Compagnon a posé la question et proposé ensuite d’en laisser les développements en suspens .

Ce que  (passé simple ou aoriste ?) nous acceptâmes .

Passons à Roland Barthes tel qu’en lui-même enfin, à défaut d’attendre l’éternité, il décida en 1975 de  se changer. Le verso de la page de couverture porte la reproduction d’un avertissement manuscrit : « Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman ». Joliesse de l’écriture. Mais Compagnon dénonce le style de la formule, disant : lourdeur, inélégance et … juridisme de la tournure. L’ennemi, ajoute-t-il est le même que celui de Robbe-Grillet, l’Écriture de vie, mais la stratégie va être différente. Ce dernier assume, in fine, le récit de fiction. Barthes veut le casser, le disséminer, l’éparpiller (on dirait Bernard Blier disant les dialogues d’Audiard et le sort réservé au truand d’en face dans Les tontons flingueurs…), et au cœur d’un récit thématique totalement fragmenté en paragraphes indépendants (  L’adjectif – Le démon de l’analogie – Au tableau noir – L’argent – etc.), il va faire – pause proclamée – une liste de ses anamnèses (pour ne pas dire, comme tout le monde, de ses réminiscences, ou bien, comme Pérec, de ses Je-me-souviens -  Je suis injuste, ou imprécis, il y a dans l’anamnèse un caractère volontariste qui n’est pas contenu dans la réminiscence) :

«

Au goûter, du lait froid, sucré. Il y avait au fond du vieux bol blanc un défaut de faïence ; on ne savait si la cuiller, en tournant, touchait ce défaut ou une plaque de sucre mal fondu ou mal lavé.

Retour en tramway, le dimanche soir, de chez les grands-parents. On dînait dans la chambre, au coin du feu, de bouillon et de pain grillé.

Dans les soirs d’été, quand le jour n’en finit pas, les mères se promenaient sur de petites routes, les enfants voletaient autour, c’était la fête.

»

Il y en a ainsi une quinzaine, avant de trouver le Etc.

Et puis Barthes veut expliquer/justifier l’emploi de ce mot, anamnèse : « J’appelle anamnèse l’action – mélange de jouissance et d’effort – que mène le sujet pour retrouver, sans l’agrandir ni le faire vibrer, une ténuité du souvenir : c’est le haïku lui-même. Le biographème n’est rien d’autre qu’une anamnèse factice : celle que je prête à l’auteur que j’aime.

Ces quelques anamnèses sont plus ou moins mates (insignifiantes : exemptées de sens). Mieux on parvient à les rendre mates, et mieux elles échappent à l’imaginaire ».

Il faut être dans l’impersonnel, et  dire sans rien raconter, pour rester en littérature.

Barthes avait déjà fait part de cette préoccupation dans S-F-L (c’est Barthes lui-même qui renvoie ainsi à son Sade – Fourier – Loyola). Après la « mort-de-l’auteur » (le malheureux n’a pas survécu aux événements de Mai 1968), il s’agirait d’assurer son retour « amical », mais en fuyant l’unité, la cohérence, la consistance, en l’abordant comme un pluriel de charme, comme lieu de quelques détails ténus, questions non de personnes, mais de micro-faits, de maigres circonstances, désincarnées, contingentielles (enfin, contingentes) … des biographèmes : « Si j’étais écrivain, et mort, comme j’aimerais que ma vie se réduisît à quelques détails (…) disons des biographèmes. Une vie trouée en somme, comme Proust a su écrire la sienne, ou bien un film d’autrefois, à l’ancienne, muet, sans son [et comme Barthes est Barthes, il est probable qu’il se serait aussi passé de Dalila. Oui, je sais, elle est pitoyable, mais je n’ai pas pu me retenir] ,.. le pot de fleurs de Fourier, le manchon de Sade, les yeux espagnols d’Ignace ». Il parle de « cochonnerie de l’écriture », désignant non un contenu, mais le flumen orationis, la linéarité du discours, le nappé de la parole, qu’il faut entrecouper de hoquets, comme en manifeste la pellicule qui saute des vieux films, et c’est ce qu’il veut tenter avec ses anamnèses, il nous l’a dit, « pour retrouver, sans l’agrandir ni le faire vibrer, une ténuité du souvenir ».

Le livre a été très attaqué par Georges Gusdorf [1912-2000 / Indigné par Mai 68 (il s’était immédiatement « exilé » au Québec, (Université Pontificale) avant de revenir à Strasbourg où il avait une chaire) / A été l’élève de Bachelard et, à L’ENS, le caïman (répétiteur, il succédait à Merleau-Ponty) de Foucault et d’Althusser]. Ce grand spécialiste de l’autobiographie  voyait chez Barthes une fuite : « Recueil de fragments bruts (…)  tout et n’importe quoi (…) signifiant sans signifié (…) avec dissolution dans l’anonymat … ». Ce qui scandalise Gusdorf, précise Compagnon, c’est le refus de prétention à un assemblage quelconque et par là , l’abandon et l’absence de toute ambition de récit.

L’un des fragments du texte retient ici plus particulièrement Compagnon, celui intitulé Projets de livres. Et parmi ces projets, plus particulièrement encore certains :

« …

Une vie des hommes illustres (lire beaucoup de biographies et y récolter des traits, des biographèmes, comme il a été fait pour Sade et Fourier)

[Ainsi, commente Compagnon, le grand genre classique (Plutarque) serait cassé, réduit à la cueillette d’anamnèses significatives]

Le Livre/la Vie (prendre un livre classique et tout y rapporter de la vie pendant un an)

… »

On ne doit plus « raconter sa vie » synthétise Compagnon ; Barthes comme Robbe-Grillet concentrent leurs attaques contre l’assemblage de souvenirs dans la trame d’un / du récit. Et Compagnon de témoigner que, membre du jury d’un prix littéraire, il a récemment vu passer (et lu !) nombre d’autobiographies, mais dont aucune ne « raconte », obstinées qu’elles sont à n’offrir que des fragments juxtaposés, sans sertissage, sans début, sans milieu et sans fin.

Pour Proust dit-il, le défi était de découvrir justement comment rassembler et sertir l’énorme masse des fragments à sa disposition. Le changement de perspective dans le récit de vie, depuis, a été indiscutablement complet.

La dernière phrase du « prononcé » du jour nous invite, je l’ai dit en commençant, à prévoir (et à  relire) Nadja pour la prochaine fois, sachant qu’on y parlera d’une autre formule d’écriture de vie non sans rapport avec (l’introduction de) la photographie.

Qu’ajouter à ces notes ?

Que Proust, Stendhal et Montaigne, comme il est dans la nature des approches de Compagnon, s’éloignent à l’horizon incertain des cours d’introduction en poupées russes  du thème de l’année.

Que le cours du jour, ma foi, peut inciter à lire Le Miroir qui revient et Enfance, ignorés de mon inculture. De Sarraute, sauf son incontournable Ère du soupçon, je n’ai jamais croisé que Claude, sa fille, lors d’un stage, printemps 1989, au  journal Le Monde où alors elle sévissait, d’ailleurs talentueusement, personnalité haute en couleur et déjantée, affirmant mordicus que je ressemblais au-delà de toute prévision à mon père, dont il était par ailleurs impossible qu’elle l’ait jamais rencontré. De la mère à la fille, peut-être un sursaut ou un saut conceptuel de la difficulté des biographies ?

Sur le fond, pas de révélation écrasante aujourd’hui.

Il y a, chez Compagnon, un dilettantisme de bon aloi - mais seulement un dilettantisme - qui le promène (assez  agréablement, pour lui comme pour nous) parmi ses propres anamnèses et, de citations aimables en références légèrement commentées, souvent aux franges de la paraphrase, nous emmène musarder dans les prés où fleurissent les biographèmes littéraires de son riche parcours personnel. Je le crois tout aux joies non contraintes du Collège de France et sous-préfet aux champs de son propre savoir.

Et je me pose la question, faisant semblant de la poser à un autre : «Voyons François 1er , est-ce vraiment la vocation de la maison ? »

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Commentaires
S
C'est gentil.<br /> Non, simple déplacement en province et retard associé.<br /> Rattrapé, comme vous avez vu.
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N
Bonsor<br /> J'espère que vous ne rencontrez ni grave ni douloureux problème et je vous souhaite de tout coeur une excellente année 2009!<br /> Revenez-nous vite, nous avons hâte de lire vos comptes-rendus très fidèles augmentés de vos commentaires perso. <br /> Tantôt "Surhomme", tantôt "Humain, plus qu'humain" eut dit un certain N
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