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Mémoire-de-la-Littérature
16 octobre 2019

FINS DE LA LITTERATURE

Voici donc l'intitulé sous lequel s'annonce le cours 2019-2020 d'Antoine Compagnon.

Apparemment, le sujet a déjà été abordé.

 

FINS 1Plus ou moins toute une année de colloques et séminaires en 2010 ....

FINS 2Dominique Viart, né le 30 mai 1958 à Paris, est un essayiste et critique littéraire français. Il est professeur de littérature française à l'université Paris-Nanterre et membre senior de l’Institut universitaire de France.

Laurent Demanze, agrégé de let­tres modernes (Session 1999) et doc­teur ès let­tres (soutenance en 2004), est maître de confé­ren­ces en lit­té­ra­ture fran­çaise du XXe siècle à l'ENS de Lyon. Dominique Viart a été son directeur de thèse.

Leur présentation :

Intro FINS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A la lecture de son titre, j'ai personnellement pensé que Compagnon allait s'attaquer cette année aux fins en tant que buts, de la littérature. Que poursuit la littérature, que se donne-t-elle pour projet? A-t-elle d'ailleurs un ou des projets?

Et c'est d'ailleurs peut-être ce qu'il va traiter ...

Mais il y a même une troisième possibilité, davantage tirée par les cheveux  ...

Italo Dans cette magnifique tentative d'Italo Calvino pour nous éclairer sur l'art de l'incipit, on voit se déployer un panorama de Débuts dont on reste ébloui. Et si, se raccrochant à cette idée, Compagnon avait décidé de nous offrir, analysées, des Fins,  un festival de Fins? Après l'art des Débuts, l'art des Fins? Difficile sans doute de commencer, mais peut-être encore plus difficile de finir. Après l'incipit, l'excipit ?

Par exemple, célèbre, avec sa dernière phrase étonnante, celui de L'étranger (Camus) . Meursault va être exécuté le lendemain. Un prêtre est venu le voir, lui prodiguer ses vaines bonnes paroles.

      Alors, je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose qui a crevé en moi. Je me suis mis à crier à plein gosier et je l'ai insulté et je lui ai dit de ne pas prier. Je l'avais pris par le collet de sa soutane. Je déversais sur lui tout le fond de mon cœur avec des bondissements mêlés de joie et de colère. Il avait l'air si certain, n'est-ce pas ? Pourtant, aucune de ses certitudes ne valait un cheveu de femme. Il n'était même pas sûr d'être en vie puisqu'il vivait comme un mort. Moi, j'avais l'air d'avoir les mains vides. Mais j'étais sûr de moi, sûr de tout, plus sûr que lui, sur de ma vie et de cette mort qui allait venir. Oui, je n'avais que cela. Mais du moins, je tenais cette vérité autant qu'elle me tenait. J'avais eu raison, j'avais encore raison, j'avais toujours raison. J'avais vécu de telle façon et j'aurais pu vivre de telle autre. J'avais fait ceci et je n'avais pas fait cela. Je n'avais pas fait telle chose alors que j'avais fait cette autre. Et après ? C'était comme si j'avais attendu pendant tout le temps cette minute et cette petite aube où je serais justifié. Rien, rien n'avait d'importance et je savais bien pourquoi. Lui aussi savait pourquoi. Du fond de mon avenir, pendant toute cette vie absurde que j'avais menée, un souffle obscur remontait vers moi à travers des années qui n'étaient pas encore venues et ce souffle égalisait sur son passage tout ce qu'on me proposait alors dans les années pas plus réelles que je vivais. Que m'importaient la mort des autres, l'amour d'une mère, que m'importaient son Dieu, les vies qu'on choisit, les destins qu'on élit, puisqu'un seul destin devait m'élire moi-même et avec moi des milliards de privilégiés qui, comme lui, se disaient mes frères. Comprenait-il, comprenait-il donc ? Tout le monde était privilégié. Il n'y avait que des privilégiés. Les autres aussi, on les condamnerait un jour. Lui aussi, on le condamnerait. Qu'importait si, accusé de meurtre, il était exécuté pour n'avoir pas pleuré à l'enterrement de sa mère ? Le chien de Salamano valait autant que sa femme. La petite femme automatique était aussi coupable que la Parisienne que Masson avait épousée ou que Marie qui avait envie que je l'épouse. Qu'importait que Raymond fût mon copain autant que Céleste qui valait mieux que lui ? Qu'importait que Marie donnât aujourd'hui sa bouche à un nouveau Meursault ? Comprenait-il donc, ce condamné, et que du fond de mon avenir... J'étouffais en criant tout ceci. Mais, déjà, on m'arrachait l'aumônier des mains et les gardiens me menaçaient. Lui, cependant, les a calmés et m'a regardé un moment en silence. Il avait les yeux pleins de larmes. Il s'est détourné et il a disparu.
      Lui parti, j'ai retrouvé le calme. J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j'ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. À ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m'était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l'éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que je l'étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine.

Ou celui de Flaubert pour L'éducation sentimentale, si plein de dérisoire :

Et, exhumant leur jeunesse, à chaque phrase, ils se disaient: "Te rappelles-tu?"  Ils revoyaient la cour du collège, la chapelle, le parloir, la salle d’armes au bas de l’escalier, des figures de pions et d’élèves, un nommé Angelmarre, de Versailles, qui se taillait des sous-pieds dans de vieilles bottes, M. Mirbal et ses favoris rouges, les deux professeurs de dessin linéaire et de grand dessin, Varaud et Suriret, toujours en dispute, et le Polonais, le compatriote de Copernic, avec son système planétaire en carton, astronome ambulant dont on avait payé la séance par un repas au réfectoire, puis une terrible ribote en promenade, leurs premières pipes fumées, les distributions des prix, la joie des vacances. C’était pendant celles de 1837 qu’ils avaient été chez la Turque. On appelait ainsi une femme qui se nommait de son vrai nom Zoraïde Turc ; et beaucoup de personnes la croyaient une musulmane, uneTurque, ce qui ajoutait à la poésie de son établissement, situé au bord de l’eau, derrière le rempart; même en plein été, il y avait de l’ombre autour de sa maison, reconnaissable à un bocal de poissons rouges, près d’un pot de réséda, sur unefenêtre. Des demoiselles, en camisole blanche, avec du fard aux pommettes et de longues boucles d’oreilles, frappaient aux carreaux quand on passait, et, le soir, sur le pas de la porte, chantonnaient doucement d’une voix rauque. Ce lieu de perdition projetait dans tout l’arrondissement un éclat fantastique. On le désignait par des périphrases: "L’endroit quevous savez, une certaine rue, au bas des Ponts." Les fermières des alentours en tremblaient pour leurs maris, les bourgeoises le redoutaient pour leurs bonnes, parce que la cuisinière de M. le sous-préfet y avait étésurprise; et c’était, bien entendu, l’obsession secrète de tous les adolescents. Or, un dimanche, pendant qu’on était auxVêpres, Frédéric et Deslauriers, s’étant fait préalablement friser, cueillirent des fleurs dans le jardin de Mme Moreau, puis sortirent par la porte des champs, et, après un grand détour dans les vignes, revinrent par la Pêcherie et se glissèrent chez la Turque, en tenant toujours leurs gros bouquets. Frédéric présenta le sien, comme un amoureux à sa fiancée. Mais la chaleur qu’il faisait, l’appréhension de l’inconnu, une espèce de remords, et jusqu’au plaisir de voir, d’un seul coup d’œil, tant de femmes à sa disposition, l’émurent tellement qu’il devint très pâle et restait sans avancer, sans rien dire. Toutes riaient, joyeuses de son embarras; croyant qu’on s’en moquait, il s’enfuit; et, comme Frédéric avait l’argent, Deslauriers fut bien obligé de le suivre. On les vit sortir. Cela fit une histoire, qui n’était pas oubliée trois ans après. Ils se la contèrent prolixement, chacun complétant les souvenirs de l’autre; et, quand ils eurent fini: "C’est là ce que nous avons eu de meilleur!" dit Frédéric. "Oui, peut-être bien? C’est là ce que nous avons eu de meilleur!" dit Deslauriers.

Ou encore .....

Mais je ne crois pas qu'il s'agisse de cela. L'idée pourtant m'aurait paru amusante et il m'en restera peut-être un petit regret ...

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